Analyse de l'EURO féminin de l'UEFA 2025 : la France fait monter la pression pour renverser les Pays-Bas
lundi 14 juillet 2025
Résumé de l'article
Irene Fuhrmann, observatrice technique de l'UEFA, explique comment la France a augmenté l'intensité pour remonter un déficit à la mi-temps lors de sa victoire 5-2 sur les Pays-Bas à l'EURO féminin de l'UEFA 2025.
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Le vieux cliché du match à deux visages s'est certainement vérifié lors de la rencontre passionnante et riche en buts de dimanche soir entre la France et les Pays-Bas.
Pour le groupe d'observateurs et d'observatrices techniques de l'UEFA, la réaction de la France aux instructions du sélectionneur Laurent Bonadei à la mi-temps a été déterminante. Dans l'analyse qui suit, nous examinerons ces changements et mettrons en lumière la qualité offensive qui a brillé lors de la remontée des Bleues pour obtenir une troisième victoire et la première place du Groupe D de l'EURO féminin de l'UEFA 2025.
Les Pays-Bas profitent des passes longues
Le point de départ de cette analyse est la manière dont les Pays-Bas ont construit leur avantage de 2-1 à la mi-temps. L'équipe d'Andries Jonker a profité de passes plus longues et diagonales, comme le montre cette vidéo qui présente le ballon de Sherida Spitse à Lineth Beerensteyn avant le premier but néerlandais.
Comme l'a dit la défenseure centrale Spitse : « C'est une de nos forces. Nous avons de la vitesse devant. Nous voulons les presser haut sur le terrain. Il y avait de l'espace derrière leur ligne défensive ».
L'observatrice technique de l'UEFA, Irene Fuhrmann, a ajouté : « Les Pays-Bas avaient un plan clair pour faire mal à la France. Ils avaient deux défenseures centrales, Spitse et [Dominique] Janssen, capables d'effectuer des passes longues et précises, ainsi que des attaquantes rapides ou des joueuses capables de faire des courses en profondeur depuis le milieu de terrain et de capitaliser sur ces passes ».
La France fait monter la pression
Les cartes de chaleur de la pression ci-dessus et ci-dessous illustrent le point suivant de Fuhrmann concernant le manque de pression de la France sur les défenseures centrales en première mi-temps, et ce qui a changé en seconde.
« En première mi-temps, la France a surtout pressé avec une seule attaquante [Marie-Antoinette Katoto], mais elle n'a pas réussi à mettre suffisamment de pression sur Spitse et Janssen », a déclaré Fuhrmann. « Cela a permis aux deux de se projeter vers l'avant et de jouer un grand nombre de passes longues réussies le long de la ligne dans le demi-espace ou de ballons en diagonale dans les zones larges ».
La carte de chaleur de la seconde mi-temps montre une pression française beaucoup plus importante dans les zones centrales, y compris sur les défenseures centrales dans la moitié de terrain des Pays-Bas, et nettement moins dans leur propre tiers défensif. En plus de mettre plus de pression sur le ballon, elles ont mieux réagi aux seconds ballons, aidées par leurs milieux de terrain positionnées plus bas.
« Les Pays-Bas nous avaient posé des problèmes avec leurs déplacements, avec l'intensité de leurs courses, avec les longs ballons », a déclaré le sélectionneur français Bonadei. « À la mi-temps, je leur ai dit qu'elles devaient être plus agressives ».
La deuxième vidéo ci-dessous reflète cette réaction. Fuhrmann a expliqué que la France avait désormais une première ligne de pressing plus haute et plus active, Katoto étant souvent soutenue par une milieu de terrain qui montait pour aider à limiter ces longs ballons. « En conséquence », a poursuivi Fuhrmann, « les Pays-Bas ont dû chercher des solutions par des combinaisons de passes courtes, qui étaient plus faciles à défendre avec l'intensité accrue de la France dans les duels ».
Les attaquantes françaises montrent leur classe
Seule l'Espagne a marqué plus de buts en phase de groupes que les 11 de la France et, comme l'a dit Fuhrmann, « elles ont semblé être une force d'attaque beaucoup plus dynamique en seconde période, poussant leurs latérales plus haut pour étirer les Pays-Bas, tandis que l'ailière Delphine Cascarino a montré ses dons techniques dans une série de un contre un ». Il y a eu aussi plus de courses vers l'avant de la part des milieux de terrain, à la fois pour surcharger les zones centrales et pour se retrouver dans la surface sur les centres.
La dernière vidéo présente les troisième et quatrième buts de la France, tous deux inscrits par la Joueuse du match, Cascarino. Le premier met en évidence sa capacité en un contre un, alors qu'elle élimine deux joueuses avant de décocher la frappe qui lui a valu son premier but international depuis deux ans et demi. Le second, quant à lui, fait suite à une bonne contre-pression et à un jeu de combinaisons rapides dans des espaces restreints. Comme l'a observé Fuhrmann : « La France a augmenté le rythme, a joué plus verticalement et s'est créé des occasions en changeant rapidement de jeu et en exploitant les espaces entre les lignes du milieu de terrain et de la défense ».
Considérations pour les coaches
Irene Fuhrmann, observatrice technique de l'UEFA et sélectionneuse de l'équipe nationale d'Autriche, partage ses réflexions sur l'attaque en un contre un et sur la manière de la développer.
Sur les qualités requises
« L'attaque en un contre un est un scénario de haute compétence et de haute pression qui exige un mélange spécifique d'attributs techniques, physiques et psychologiques. Les bonnes joueuses se distinguent par des qualités techniques exceptionnelles. Elles ont une bonne première touche de balle, peuvent garder le ballon près de leurs pieds, sont idéalement ambidextres et capables de maîtriser des feintes ou des mouvements corporels efficaces. »
« Ces compétences techniques ne deviennent vraiment efficaces que lorsqu'une joueuse est capable de les utiliser correctement sous la pression de l'adversaire. Cela demande du timing et une bonne prise de décision. Pour ce faire, la joueuse doit soit avoir déjà une image claire dans son esprit avant de recevoir le ballon, sur la provenance de l'adversaire ou sur l'endroit où se trouve l'espace libre, soit, une fois en possession, elle doit être capable de créer un avantage par une feinte de corps ou des attributs physiques tels que l'accélération, l'agilité ou la force. »
« D'un point de vue mental, la confiance en ses propres forces est essentielle, car elle permet à la joueuse de rester calme et de prendre de bonnes décisions même sous pression ».
Sur la manière dont les entraîneurs de jeunes peuvent développer la capacité de un contre un
« Chaque entraîneur veut avoir dans son équipe des joueuses qui font la différence, et cela inclut des joueuses qui peuvent résoudre des situations de jeu sous la plus haute pression des adversaires et des contraintes de temps. Mais on n'obtient ce genre de joueuse que si on ne leur dicte pas tout à l'entraînement, si on les laisse expérimenter, trouver leurs propres solutions, et si on les encourage à continuer d'essayer même après avoir fait des erreurs ».
« L'objectif devrait être de développer des joueuses confiantes et créatives qui peuvent résoudre des problèmes sous pression. La première étape est d'apprendre les mouvements de dribble et les feintes dans l'espace. Mais pour passer des aspects techniques à la prise de décision sous pression, j'éviterais les un contre un stériles et isolés et je les laisserais jouer à des jeux réduits. De cette façon, elles ont beaucoup de un contre un avec peu d'espace et beaucoup de pression, et seront constamment amenées à prendre des décisions et à trouver des solutions par elles-mêmes.
« Il faut laisser de la place aux erreurs et à l'expérimentation, car c'est là que la créativité se développe. Par conséquent, je recommanderais aux entraîneurs de créer un environnement sûr, stimulant et amusant, en utilisant des buts, des zones, des directions. Passez du simple au complexe et ne sur-entraînez pas, mais posez plutôt des questions aux joueuses et encouragez le réflexion. »