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Stéphan : "Des matches fantastiques à préparer"

Julien Stéphan, l'entraîneur de Rennes, est à 90 minutes d'un quart de finale de l'Europa League alors qu'il débute sur un banc professionnel. Le technicien breton s'est confié à UEFA.com.

Julien Stéphan peut mener Rennes en quarts de final de l'Europa League
Julien Stéphan peut mener Rennes en quarts de final de l'Europa League ©Getty Images

À seulement 38 ans, Julien Stéphan a réussi un entrée remarquée dans le cénacle des coaches professionnels. Après avoir remplacé Sabri Lamouchi le 3 décembre, il a mené Rennes en demi-finales de la Coupe de France, à l'abri de la relégation et, pour la première fois, dans les phases à élimination directe d'une Coupe d'Europe.

Après la victoire 3-1 en 8es de finale aller contre Arsenal, il peut même nourrir l'espoir fou de se retrouver au tirage des quarts de finale, à Nyon, le 15 mars, au lendemain du voyage à Londres pour le retour. Interview.

Rennes 3-1 Arsenal

UEFA.com : Vous voici en poste depuis décembre, pour la première fois à la tête d'une équipe pro...
Julien Stéphan : Je découvre mon métier et c’est quelque chose de nouveau pour moi mais les matches sont mieux que l’entraînement, même si c’est un peu frustrant par moments de ne pas avoir d’entraînement, car c’est à travers les entraînements qu’on peut faire passer les idées, qu’on peut mettre en place des choses sur le terrain. La compétition, c’est le summum.

Parlons de la compétition et de ces matches extraordinaires qua vous avez vécus en Europe. Avez-vous le temps de savourer ?
Les temps de bonheur sont très courts. Après les victoires, on en profite un petit peu dans le vestiaire au contact du vestiaire, des dirigeants et de l’entourage. On partage un peu avec le staff mais il faut aller à la conférence de presse dès la fin du match et donc penser aussi à la communication.
Et puis, dès le lendemain matin, il faut se projeter sur le match qui arrive. On a souvent deux ou trois jours pour le préparer donc on n’a pas beaucoup le temps pour savourer.
Par contre, les moments de partage sont des moments intenses et il faut en profiter, notamment dans le vestiaire. Il faut bien en profiter. Cela permet aussi de pas s’enflammer, de garder beaucoup d’humilité, de retomber très vite les pieds sur terre pour basculer sur les échéances qui arrivent.

Des stars qui ont grandi Rennes

Depuis que vous avez pris l’équipe en main en décembre, vous avez eu pas mal de très belles performances en Ligue 1, justement, en coupe de France et en Ligue Europa. Cela vous rend fier?
Oui, bien sûr qu’il y a un peu de fierté, mais cela veut surtout dire qu’il y a un groupe de joueurs de qualité. On a un groupe de joueurs équilibrés, avec des bons joueurs dans toutes les lignes. On sait aussi que dans le domaine offensif, on est capables de faire mal à beaucoup d’équipes parce qu’on a du talent, de la vitesse, des joueurs complémentaires.

Que dites-vous à vos joueurs après les matches?
Je ne parle pas à l’issue du match. Je laisse les joueurs car on est tous trop à chaud et il y a encore beaucoup d’émotion. Je trouve que ce n’est pas le moment d’évoquer certaines choses avec les joueurs, je préfère le faire le lendemain, à froid dans le vestiaire.
On a aussi un groupe de joueurs qui adhèrent à une idée de jeu qu’on essaie de mettre en place et de développer. Donc, il y a cette satisfaction-là mais on ne peut pas tomber dans l’autosatisfaction personnelle car un entraîneur doit toujours penser collectif, à son groupe, son staff, au club en général.
Il doit tout mettre en œuvre pour le faire progresser de match en match. On est ravis des résultats mais il faut confirmer sans cesse et avoir cette humilité d’avoir envie de continuer à avancer.

Betis 1-3 Rennes

Que fallait-il changer lorsque vous êtes arrivé?
Au début, la priorité était de recadrer l’équipe sur le plan défensif. L’équipe prenait beaucoup trop de buts. C’était l’avant-avant-dernière défense du championnat sur les 15 premières journées. L’équipe encaissait donc trop de buts et l’objectif au départ était de la restructurer sur le plan défensif. De lui redonner quelques repères parce que je savais qu’on avait des joueurs de talent devant et qu’on pouvait faire la différence à tout moment. C’est ce qu’on a globalement réussi à faire en décembre puisque sur les cinq matches qu’on a faits, on a pris qu’un seul but en Coupe de la Ligue contre Nantes.
À partir de janvier, on a essayé de mettre en place certaines choses dans la dynamique collective pour qu’on puisse avoir de la maîtrise. Cela ne s’est pas produit immédiatement, on a eu un mois de janvier compliqué, je crois qu’on a eu du mal à se remettre en route sur le plan athlétique. Par contre, je trouve qu’on a réellement bien avancé sur le mois de février à ce niveau-là avec des contenus de match vraiment intéressants. J’en veux pour preuve les trois derniers matches que nous avons faits, le match retour du Betis, le match de Marseille et celui de Coupe de France hier. Sur les six mi-temps, cinq sont vraiment abouties. Notre première mi-temps d’hier a été un peu plus difficile. Mais pour les autres, il y a vraiment eu des choses très intéressantes. Ce sont des éléments positifs pour un entraîneur, mais qui demandent confirmation dans le temps.

Tout le monde sait que votre père Guy Stéphan est plutôt célèbre (adjoint du sélectionneur champion du monde Didier Deschamps). Pouvez-vous échanger des idées avec lui?
Oui. Je ne me suis pas engagé dans ce métier là pour faire comme mon père, pas du tout. À la base, j’ai commencé avec les jeunes. Je suis un éducateur-formateur. J’ai fait 12 saisons avec les jeunes, d’entraînements, 10 ans dans des centres de formation.
Je me suis donc engagé par passion pour ce métier-là, car j’aime la pédagogie, j’aime la transmission. Et puis, c’est vrai que mes nouvelles fonctions m’ont amené à davantage de mise en lumière, forcément.
J’avais déjà des échanges avec mon père avant, j’en ai toujours maintenant. On échange régulièrement sur les divers aspects du métier, qui est un métier compliqué, un métier de communication, de management, de prise de décision. Se nourrir des personnes compétentes autour de nous est toujours un avantage.

Rennes 3-3 Betis

Vous avez beaucoup d’expérience avec les jeunes et vous avez beaucoup de jeunes joueurs aussi au niveau professionnel. Qu’est-ce qui change?
Beaucoup de choses. Toute la pression autour des matches. Pression médiatique car on a des conférences de presse avant, après les matches de manière très régulière. Il y a beaucoup plus de monde au match et il y a des enjeux qui sont complètement différents. Là où dans la formation, on travaille sur le moyen ou le long terme. Quand on est entraîneur pro, il faut travailler sur le court terme et avoir des résultats immédiats, c’est là que se situent les principaux changements.
Sur le terrain, cela reste du foot avec un rapport de force, deux équipes qui s’opposent, des styles différents et une adaptation permanente à avoir par rapport au rapport de force qu’on rencontre. C’est très intéressant en termes de stratégie. Il y a également toute la dimension autour, la dimension managériale est complètement différente, avec des tranches d’âge de joueur différentes, donc des égos à gérer. C’est très enrichissant pour moi, c’est un métier que je découvre et qui me passionne et que j’espère faire le plus longtemps possible.

On a vu pendant cette épopée en Ligue Europa que l’équipe a montré beaucoup de qualités différentes, une vraie force mentale à certaines périodes, même en phase de groupes. C’est quelque chose que vous essayez non pas de manager mais de développer, d’inculquer ?
Le club n’a quasiment pas d’expérience en Ligue Europa puisque c’est la première fois qu’il réussit à sortir de la phase de poules. Je n’ai pas vécu les premiers matches de Ligue Europa mais je sais que cela a été très important pour le groupe en termes d’expérience. J’ai récupéré l’équipe quelques jours avant un match capital contre Astana, le match qualificatif qu’il fallait aborder avec beaucoup de sérénité et lucidité, mais aussi beaucoup d’ambition parce que cela pouvait être un match qui pouvait marquer l’histoire du club.

Sarr en action

Parlez-nous un petit peu d’Hatem Ben Arfa, un joueur très connu partout en Europe. Il a toujours été loué pour son talent. On a l’impression qu’il renaît un peu à Rennes.
Bon, il a vécu deux dernières années difficiles à Paris [Paris Saint-Germain], notamment une dernière année complète sans jouer. Malgré tout son talent, quand on ne joue pas, on perd du rythme donc il lui a fallu du temps pour bien se remettre en route.

Est-ce que ça vous pose non pas des problèmes mais des défis en tant qu’entraineur - d’avoir un joueur aussi talentueux qui pourrait peut-être focaliser tous les espoirs de l’équipe.
Pour un jeune entraîneur comme moi, c’est une expérience fantastique de pouvoir manager ce type de joueur, de pouvoir les “driver”. Mais on a aussi d’autres joueurs qui sont différents dans l’effectif. Je pense à Ismaïla Sarr. Isma [Ismaïla Sarr] est un aussi un joueur incroyablement différent avec sa jeunesse, son insouciance mais déjà une énorme capacité de percussion, d’élimination, de dribbles, il a un déjà un impact très fort sur l’équipe.

Rennes 2-0 Astana

Quelle est l’importance de cette épopée européenne dans le projet du club, pour le faire grandir?
Il est important à deux niveaux pour moi. D’abord au niveau du club ça permet à tout le monde de savoir qu’au Stade Rennais il y a une équipe de foot, un club qui se construit déjà depuis plusieurs années avec un travail de fond qui est effectué.
Ça permet d’être mis en lumière sur la scène européenne et pour les clubs et pays étrangers, cela permet de mettre le Stade Rennais sur la carte européenne. Donc ça c’était un premier enjeu. Et puis le deuxième enjeu c’est qu’en terme d’expérience et de progression pour les joueurs, il n’y a pas mieux que de vivre ce type de rencontres, qui sont des rencontres contre des cultures différentes, des pays et des organisations différentes que l’on n’a pas l’habitude de voir au quotidien.
Donc en termes d’expérience, c’est extrêmement riche. Ce que l’on a vécu lors de la double confrontation contre le Betis c’est incroyable. Un football comme moi je l’adore, un football de possession avec une atmosphère là-bas à Séville extraordinaire avec une ferveur incroyable. Pour les joueurs, pour le staff, pour l’entraîneur, c’est extrêmement enrichissant.

Je pense que vous n’avez pas perdu à domicile depuis que vous êtes entré en fonction. Quelle est l’importance pour votre confiance et pour les joueurs de se dire que l’on pas encore perdu à domicile ?
Le Roazhon Park ça doit être notre jardin, on n’aime pas qu’un intrus vienne dans notre jardin. Donc on est un peu dans cet esprit-là, avec les supporters, on essaie de créer une atmosphère pour que cela soit très difficile pour les adversaires de venir.
Cette série s'arrêtera forcément à un moment donné. Mais c’est vrai qu’elle est belle, qu’elle est intéressante, elle montre surtout qu’il y a une communion entre les joueurs et le public. Au fur et à mesure des performances, les joueurs ont pris de la confiance, de l’assurance dans ce qu’ils étaient capables de faire.
Donc cela nous a permis d’avoir des résultats positifs. Mais encore une fois, toujours avec beaucoup d’humilité car il faut se remettre en question en permanence et à chaque match ses difficultés, à chaque match ses particularités. Il faut donc les aborder en conséquence avec de la motivation et de l’humilité.
C’est un stade qui me rappelle ceux avec lesquels j’ai grandi en Angleterre. C’est proche, un stade qui est entouré de maisons… On a l’impression vraiment “d’aller au stade de foot”. Est-ce que cela joue un rôle? Est-ce que vous aimez cela plutôt que d’aller dans des grands stades qui me semblent un peu formatés, un peu stériles?

Jablonec 0-1 Rennes

Arsenal, est-ce que vous aimez ce défi ? Vos tactiques, vos idées contre celles d’un entraîneur (Unai Emery) qui a déjà gagné l'Europa League (à trois reprise avec le FC Séville) ?
Ce sont des matchs fantastiques à préparer mais il ne faut pas oublier que la réponse revient aux joueurs, ce ne sont pas les coachs qui font les matchs, ce sont les joueurs qui font les matches.

Ce sont eux qui donnent les réponses sur le terrain. Nous, simplement, on essaie de le préparer, d’établir une stratégie pour poser des problèmes à l’adversaire. Par moments, ça fonctionne. D’autres moments ça fonctionne bien. Et les moments où ça fonctionne moins bien, il faut avoir cette lucidité et cette capacité d’adaptation pour trouver autre chose.