Prévenir les blessures et protéger les joueuses : comment la recherche scientifique peut faire avancer le football féminin
mardi 11 février 2025
Résumé de l'article
Les professionnels de la santé et les experts du secteur s’unissent pour dissiper certains mythes et parler de problèmes clés en matière de santé et de bien-être.
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Le football féminin a enregistré une croissance fulgurante ces dernières années : le nombre de joueuses a augmenté, les standards ont été relevés et les compétitions sont devenues plus importantes que jamais.
« Unstoppable », la nouvelle stratégie de l’UEFA pour le football féminin, va nous permettre de lui faire franchir une étape dans les années à venir, grâce notamment à EUR 1 milliard d’investissements d’ici à 2030.
Mais avec l’évolution du football féminin, nous avons de plus en plus besoin de recherches complètes et factuelles sur les exigences en matière de soins médicaux et physiques chez les athlètes féminines, afin qu’elles puissent exploiter pleinement leur potentiel sportif et prévenir les blessures évitables.
Lors du Symposium médical de l’UEFA, qui s’est tenu la semaine dernière à Lugano (Suisse), des experts médicaux de toute l’Europe se sont rassemblés pour parler d’un certain nombre de problèmes qui touchent les femmes et les filles. Ils ont partagé leurs connaissances sur la manière de créer les meilleures conditions pour réussir.
« Nous avons encore beaucoup de connaissances à acquérir et de méthodes de prévention à découvrir au sujet de la santé mentale et physique dans le football, en particulier par rapport au nombre en constante augmentation de femmes qui le pratiquent. Vous avez donné de votre temps précieux ici à Lugano pour la santé et la sécurité des joueuses. Je tiens à vous en remercier et à vous témoigner mon plus profond respect. »
L’un des principaux défis à relever pour les experts médicaux est de savoir comment former les joueuses, les entraîneurs et le grand public aux meilleures stratégies visant à favoriser la santé et le bien-être des femmes dans le football. Vous trouverez ci-dessous certains des points importants abordés à Lugano.
Les lésions du LCA dans le football féminin sont au centre de l’attention depuis un moment, et, en décembre 2023, l’UEFA a créé un panel d’experts pour mieux en comprendre les causes et la prévalence.
À Lugano, les membres de ce panel ont dissipé certains mythes qui circulent autour des lésions du LCA chez les joueuses.
Des recherches montrent d’ailleurs que la régularité de ce type de blessure chez les joueuses est constante depuis vingt ans, et tandis que le nombre de cas a augmenté par rapport à leurs homologues masculins, contrairement à ce que les médias affirment, il n’y a pas d’épidémie dans le football féminin. Les lésions du LCA continuent d’affecter 1 à 3 % des joueuses au cours d’une saison.
Il est néanmoins vital de mettre en œuvre des techniques fiables et pratiques pour la prévention des blessures. Des programmes d’exercices dédiés peuvent réduire de moitié le risque de lésion du LCA.
Approche suggérée en ce qui concerne les séances de prévention des lésions du LCA
De 10 à 20 minutes, deux fois par semaine.
Accent mis sur la force pure, l’agilité, les techniques d’atterrissage et d’intervention.
Séances proposées toute la saison et lors de la préparation d’avant-saison.
Toutes les joueuses doivent y participer, quel que soit leur niveau.
En adoptant cette stratégie simple, nous pouvons lutter collectivement contre cette psychose que l’on appelle « l’épidémie de ruptures du LCA » et améliorer les résultats pour les joueuses à risque.
Ce n’est pas simplement le risque de lésion du LCA qui peut être atténué grâce à un entraînement de la force et de la condition physique adapté.
Un plan de développement athlétique à long terme structuré et progressif permet de poser les fondations qui préparent les jeunes joueuses à une carrière senior. Ce plan leur est indispensable pour atteindre des performances optimales et réduire les risques de blessures.
Les différences de croissance font que les filles sont susceptibles d’avoir plus de problèmes entre 16 et 19 ans, ce qui peut être atténué par un entraînement de la force et de la condition physique personnalisé et adapté à l’âge. Cet entraînement devrait se poursuivre durant toute leur carrière.
« Un plan de développement athlétique à long terme s’étend sur toute une carrière, du football de base jusqu’à la fin, pas seulement pendant la croissance. Et différents attributs requièrent différents niveaux d’attention à des moments différents », a expliqué Paudie Roche, responsable de la performance physique à l’Arsenal Women FC « Ce processus demande de la patience, mais une fois que les joueuses y adhèrent et comprennent que ces exercices vont les rendre meilleures sur le terrain, ce peut être une réussite. »
Ce travail physique n’est pas toujours mis en œuvre, et la raison souvent invoquée est le temps d’entraînement limité. Mais le Dr Stacey Emmonds, professeure associée en performance sportive à l’Université Leeds Beckett, estime que les experts médicaux et les préparateurs physiques peuvent travailler aux côtés des entraîneurs responsables des questions techniques pour réaliser les objectifs communs.
« On perd souvent de vue le fait que [les professionnels de la santé] ont besoin de comprendre le côté pédagogique du football, a-t-elle déclaré. On ne doit pas forcément avoir les mêmes connaissances techniques qu’un entraîneur, mais il faut savoir comment adapter certains exercices qu’ils réalisent pour intégrer certaines idées venant du plan de développement athlétique à long terme. »
Plan de développement athlétique à long terme : les qualités physiques à maîtriser
Mobilité
Agilité
Vitesse
Puissance
Endurance
Hypertrophie
Force
La prévention des blessures est une chose, mais protéger la santé des femmes joueuses au sens large, au-delà du football, est une tâche d’importance. Et les équipes médicales doivent jouer leur rôle pour s’assurer que les footballeuses sont également prises en charge en dehors du terrain.
Par exemple, 61 % des joueuses interrogées ont déjà connu des douleurs ou ressenti une gêne à la poitrine, un chiffre plus élevé que dans la population en général et chez les autres athlètes féminines. Une recherche importante indique que les footballeuses d’élite ont encore besoin de conseils pour mieux choisir leur soutien-gorge de sport : adapté et ajusté, il peut réduire les douleurs et l’inconfort, tout en offrant soutien et performance. Après une évaluation des besoins et un ajustement sur mesure de leur soutien-gorge, 91 % des joueuses ont fait état d’une amélioration de leur confort, ce qui montre que certains problèmes peuvent être résolus à grâce à des conseils adaptés.
L’UEFA a déjà mené des recherches importantes sur le cycle menstruel et ses effets sur le bien-être et la performance des joueuses. L’objectif est d’autonomiser et d’éduquer les joueuses, leurs entraîneurs et les équipes médicales à surveiller leur cycle de manière à ce qu’elles puissent s’entraîner et jouer au meilleur de leurs capacités à n’importe quel moment. Il n’y a aucune raison scientifique qui dit que les joueuses ne peuvent pas être performantes à haut niveau pendant leurs règles.
« Beaucoup de choses ont été écrites sur la manière dont il faut surveiller la santé des athlètes masculins, mais très peu sur les athlètes féminines. Les femmes ne sont pas « de petits hommes », et la science et la médecine du sport doivent faire en sorte que le fonctionnement féminines de la santé féminine ne soit pas ignoré, "médicalisé" ou incompris dans le contexte du sport. »
L’événement de cette semaine a également été l’occasion de discussions sur la maternité et sur les activités adaptées aux joueuses qui attendent un enfant. Il est communément admis que des recherches plus approfondies sont nécessaires dans ce domaine, mais les directives médicales de l’UEFA recommandent aux joueuses qui sont enceintes de ne pas faire de compétition, tout en les autorisant à s’entraîner pour garder une bonne base de condition physique.
Enfin, Viktoria Schnaderbeck, ancienne internationale autrichienne qui a remporté des titres en Allemagne et en Angleterre, a parlé de son expérience personnelle quant aux problèmes de santé mentale qu’elle a pu connaître au cours de sa carrière de joueuse.
Viktoria Schnaderbeck a insisté sur l’importance des équipes médicales qui offrent un soutien psychologique à leurs joueuses. « En tant que joueuse, on attend de vous que vous soyez performante sur le terrain, mais personne ne comprend vraiment ce qui se passe à l’intérieur de vous, a-t-elle déclaré. J'aurais aimé que les kinés et les médecins me posent ces questions et m’offrent leur aide, car c’est difficile de demander. »
Qu’est-ce que le Symposium médical de l’UEFA ?
Le neuvième Symposium médical de l’UEFA a rassemblé plus de 500 professionnels de la santé venant de toute l’Europe à Lugano (Suisse) afin de présenter, discuter et débattre de quelques-unes des dernières recherches et études scientifiques liées au football.
Il s’agissait de la neuvième édition du Symposium médical de l’UEFA, qui réunit tous les deux ans des professionnels de la santé de toute l’Europe afin d’aborder des questions médicales clés dans le domaine du football.
Pour la première fois, nous avons organisé cette édition 2025 en collaboration avec l’Association des clubs européens (ECA), ce qui nous a permis d’aller plus loin que les associations nationales membres de l’UEFA et de toucher pour la première fois les clubs, European Leagues et la FIFPRO Europe.
Autre première : la présence à ce symposium des kinésithérapeutes, qui jouent un rôle essentiel dans les soins quotidiens des joueuses et joueurs.