Gutendorf, l'entraîneur voyageur
mardi 20 janvier 2015
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Rencontre avec Rudi Gutendorf, qui revient sur une carrière à la tête de 55 équipes, un record, dont 18 équipes nationales.
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"Quand je suis devenu entraîneur, ma mère m’a regardé comme si j’étais devenu balayeur de rue", a confié Rudi Gutendorf. "Elle pensait qu’il n’y avait pas d’avenir dans le sport et aurait préféré que je devienne fonctionnaire."
Mais un parcours professionnel tout tracé n’allait pas être sa destinée. Désormais âgé de 88 ans, l’Allemand détient un record du monde après avoir entraîné 55 équipes au cours de sa carrière, dont 18 sélections nationales. "Je ne me rappelle pas de tous les clubs que j’ai entraînés, mais c’est un record qui ne sera probablement jamais battu", a poursuivi l’ancien sélectionneur des Bermudes, de la Bolivie, d’Antigua, de l’Australie, de la Nouvelle-Calédonie, des Fidji, du Chili, du Népal et des Tonga, revenant sur une carrière accomplie sur les cinq continents.
Il s’est fait un nom en 1963/64, lorsqu’il a utilisé une tactique plutôt inhabituelle pour conduire le Meidericher SV, désormais appelé MSV Duisburg, vers une spectaculaire deuxième place lors de la toute première saison de Bundesliga. "Je mettais tous mes joueurs derrière pour couvrir et je ne laissais qu’un seul buteur en pointe", s’est-il rappelé. "Quand nos adversaires étaient frustrés et impuissants parce qu’ils n’arrivaient pas à marquer, je sautais en écartant les bras. C’était le signal pour que tout le monde monte devant. C’est comme ça que nous avons fini deuxièmes, juste derrière le 1. FC Köln. C’était un miracle."
Un miracle d’un autre genre s’est produit à la fin de sa carrière, le 8 avril 2000, lorsque l’équipe nationale du Rwanda de Gutendorf obtenait un nul 2-2 face à une équipe de Côte d’Ivoire constellée de stars en éliminatoires de la Coupe du Monde de la FIFA. À une époque où le pays était encore terriblement marqué par des années de guerre civile, ce fut un exploit retentissant. "J’étais fou de joie", s’est souvenu Gutendorf. "Hutu et Tutsi s’étreignaient et s’embrassaient. La génération de leurs pères voulait encore la peau de l’autre, mais leurs fils s’embrassaient sur le terrain et dans les tribunes. Ce fut probablement le plus beau moment de ma carrière."
Au milieu de tous ses postes à l’étranger, Gutendorf restait un entraîneur demandé en Allemagne ; il prenait notamment les rênes des Hamburger SV, Hertha BSC Berlin et FC Schalke 04, conduisant le club de Gelsenkirchen en demi-finales de la Coupe des vainqueurs de coupe européenne 1969/70. Gutendorf installait une éthique de travail unique à Schalke, réunissant ses joueurs pour l’entraînement à 5 heures de matin devant une mine de charbon locale afin qu’ils se rendent compte des défis des mineurs de la vallée de la Ruhr, qui étaient jadis le cœur des fans de Schalke.
Mais Gutendorf restait rarement en Allemagne pendant très longtemps, ses aventures outre-mer le menant dans des endroits improbables. "Je travaillais toujours avec les plus pauvres des pauvres", a-t-il expliqué. "Pourquoi est-ce que je faisais ça ? C’est une bonne question. Ma femme me le demandait toujours également. Je pense que c’était une sorte de mission pour moi. Surtout, je ressentais probablement que c’était la bonne chose à faire."
En 2011, ses services au football étaient récompensés avec la Croix du mérite de l’Allemagne au rang d’Officier. Il s’est installé dans sa ville natale, Coblence, depuis plusieurs années maintenant, mais reste un personnage extrêmement populaire, ravi de partager ses souvenirs sur sa vie footballistique à la télévision et sur sa page Facebook. "Je ne suis qu’un joyeux luron de Rhénanie", a-t-il déclaré. "Quand l’heure sera venue, je veux que ma vie en ait valu la peine. C’est pourquoi j’ai adoré prendre les plus grands risques."