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Antoine Griezmann sur Barcelone: "Ici pour apprendre"

Rare en interview, Antoine Griezmann nous a consacré près d'une heure pour parler de tout.

Antoine Griezmann lors de notre interview exclusive
Antoine Griezmann lors de notre interview exclusive ©UEFA.com

Arrivé à Barcelone cet été, Antoine Griezmann (28 ans) trouve petit à petit sa place dans l'effectif des champions d'Espagne où il avoue venir "pour apprendre". Belle démonstration d'humilité pour le champion du monde français qui évoque aussi ses soirées à Gerland, la famille, Messi et tout ce qui a fait que le petit Antoine est devenu un grand Grizou, meilleur joueur de l'UEFA EURO 2016 et l'un des plus grands footballeurs actuels.

Antoine Griezmann, meilleur buteur et meilleur joueur du dernier EURO
Antoine Griezmann, meilleur buteur et meilleur joueur du dernier EURO©Panoramic

Comment résumeriez-vous l'évolution d'Antoine Griezmannn en tant que joueur ?
Concernant mon style de jeu, faire circuler le ballon, jouer les une-deux, avoir l'esprit offensif, je pense que j'ai appris tout ça à la Real Sociedad (2009-2014), grâce à ce club. J'ai ensuite pu noter un changement lorsque j'ai rejoint l'Atléti(co de Madrid, 2014-2019). Soudainement, je me suis retrouvé avec un entraîneur tout le temps sur mon dos ; (Diego) El Cholo Simeone. Il ne me faisait pas faire ce que je faisais à la Real, il y avait toujours sa voix, son exigence qui résonnaient en moi. Il m'a aussi demandé de faire des choses que je ne pensais pas savoir faire. J'ai dû travailler très dur pour le collectif. Par exemple, à la Real Sociedad, je devais me replier de temps en temps pour aider mon arrière latéral, de mon côté, mais pas autant qu'à l'Atlético. Cela m'a pris jusqu'au mois de décembre de la première saison pour m'adapter et apprendre la défense, la tactique. Je crois que grâce à lui je marque plus de buts aujourd'hui.

Vous voici maintenant à Barcelone...
Ici, je vais apprendre quelque chose de plus que je vais conserver, bien sûr. Tout ce que j'apprends, tout ce que j'aime, je le mets à la disposition de l'équipe. J'ai noté aussi un changement dans ma deuxième saison à Madrid. Je me disais : "C'est le joueur que je veux être". Et j'ai pris les choses de la Real et des choses de l'Atleti et c'est ce qui m'a permis de devenir champion du monde.

Vous avez évolué mais pas changé. On dirait que vous préférez toujours l'évitement à l'affrontement sur le terrain…
C'est vrai, je ne suis pas bon dans les duels, ou alors je le suis trop. Je ne suis pas un grand dribbleur, alors j'ai toujours essayé de combiner, de faire des une-deux à la Real, de jouer en une touche à l'Atléti ou de me porter dans la surface pour me trouver rapidement en position de créer le danger. Lorsque je joue au football, lorsque je suis sur la pelouse, je fais ce qui me semble naturel. Par exemple, si je ne suis pas bien, si je suis triste dans la vie privée, cela se reflète sur la pelouse.

Griezmann en action avec l'Atlético

Vous avez perdu deux finales d'UEFA Champions League avec Madrid, est-ce que cela a joué un rôle dans votre décision de rejoindre Barcelone ?
Je n'ai pas quitté l'Atlético pour remporter l'UEFA Champions League ou pour remporter plus de trophées. Je suis venu ici pour apprendre un nouveau style de jeu, pour adopter une nouvelle philosophie et essayer de m'améliorer et d'apprendre des choses sur un plan personnel.

Était-ce vraiment la raison principale ? Relever le défi d'appendre le football dans une nouvelle école pour la troisième fois dans votre carrière ?
Oui, le but c'était vraiment apprendre un nouveau style de jeu dans un club qui conçoit le football d'une manière différente. Mon objectif c'était d'apprendre quelque chose de nouveau parce qu'il ne fait aucun doute que l'Atleti est capable de remporter le championnat d'Espagne et l'UEFA Champions League, n'importe quand. Son équipe est assez bonne et son entraîneur l'est aussi. Je ne suis pas parti pour avoir une chance de remporter plus de trophées.

Antoine Griezmann en Champions League avec Barcelone
Antoine Griezmann en Champions League avec Barcelone©Getty Images

Comment fait-on pour apprendre
ces choses nouvelles ?

Il faut regarder ses matches, regarder ses occasions, regarder ce que l'on fait quand son équipe a le ballon. C'est ça l'apprentissage. Je joue sur la gauche, un nouveau poste pour moi, j'essaie de m'habituer. J'essaie aussi d'apprendre et de comprendre comment mes coéquipiers jouent. Ils sont tous nouveaux pour moi. Ce n'est pas moi qui commande les courses de Luis (Suárez), Leo (Messi) et Ousmane (Dembélé), des milieux de terrain ou de mon arrière gauche. J'essaie de comprendre aussi vite que je peux parce que l'équipe a besoin de moi, mais, parfois, c'est dur. Lorsque j'ai le ballon, je manque de confiance pour faire une passe, pour tirer au but, mais cela va venir avec le temps.

On a l'impression que c'est déjà en train de venir en voyant certains matches et notamment des combinaisons dans de petits espaces dont vous êtes à l'origine, notamment sur le troisième but à Eibar en Liga (victoire 3-0, le 19 octobre)…
Bien sûr, c'est mon style de jeu. Les gens savent que j'aime combiner avec mes coéquipiers. J'essaie toujours de les mettre dans les meilleures positions possible. Je ne cherche à marquer moi-même, je ne suis pas ce genre de joueur. Je préfère combiner avec les autres et faire ce dont l'équipe a besoin.

Il y a un joueur un peu particulier dans votre équipe qui s'appelle Lionel Messi et qui est hors norme. Est-ce qu'il y a la tentation de le regarder jouer lorsque vous êtes sur la pelouse ?
Non, pas du tout. Comme vous le dites, c'est un joueur comme on n'en verra peut-être plus jamais dans les 40 prochaines années. On ne peut que profiter de son football, qu'on soit son coéquipier, spectateurs dans les tribunes ou encore son entraîneur parce que ce qu'il fait avec le ballon c'est incroyable c'est un véritable délice de le voir jouer comme de jouer à ses côtés.

©Getty Images

Est-ce que la clé n'est pas de pouvoir partager avec Luis (Suarez) et Leo (Messi) un bon maté en parlant de football ?
Oui, je suis vraiment timide et j'ai du mal à aller vers les autres en raison de cela. Je ne suis pas le genre de gars qui va lancer la conversation, je suis trop timide. Luis, Leo et moi, on apprend à se connaître, nous avons déjà dîné ensemble et notre entente ne peut que progresser avec le temps. Il est évident que ce qu'il peut se passer sur la pelouse ne peut que nous aider à nous sentir à l'aise lorsque nous jouons.

Votre talent n'a pas été reconnu en France quand vous étiez jeune (Griezmann a dû s'expatrier en Espagne pour réussir). Que ressent-on, dans ces cas-là, et comment fait-on pour continuer à y croire ?
C'est vrai, la taille a toujours été un problème pour moi. On m'a toujours dit que j'étais trop petit et j'ai dû attendre. J'ai même passé des radios de mon poignet pour pouvoir savoir quelle taille je ferais à l'âge adulte. Bien sûr, ce furent des temps très difficiles. Mais au final, lorsque j'étais en compagnie de mes amis dans le vestiaire ou sur la pelouse, j'oubliais tout ça. J'ai toujours essayé de faire ce que j'aimais le plus, jouer au football, m'amuser avec le ballon. J'ai aussi la chance d'avoir ma famille derrière moi, elle m'a soutenu et elle m'a aidé à garder le sourire. Il faut travailler dur et se battre. Mon amour pour le football est si grand que je n'ai jamais pu le mettre de côté, même si j'ai dû affronter des périodes très dures.

Cinq superbes buts de Griezmann

Vous avez parlé de votre famille, quel fut son rôle ?
C'est vrai, la famille a été très forte. Mon père était également mon entraîneur et j'avais la chance qu'il connaisse très bien le football et qu'il me donne ses conseils. Il me disait si je jouais bien ou pas après chaque match. Et puis il regardait beaucoup de football à la télévision, j'ai une relation très forte et très proche avec mon père. C'est la même chose avec ma mère, même si je ne parle pas de football avec elle, nous ne parlons que de mon bonheur.

À Barcelone aujourd'hui, finalement, vous rejoignez le club idéal pour vous, un club qui aime les joueurs au petit gabarit, Iniesta, Xavi, Messi...
C'est vrai, mais je pense que la Real Sociedad (le premier club professionnel qui lui fit confiance) est proche de cela. Là-bas, ils ne regardent pas votre taille et si vous êtes rapide. La seule chose qui importe, c'est la pelouse, le ballon, votre talent et si vous pouvez aller loin. Je pense que ce fut positif pour moi d'aller là-bas. J'ai beaucoup appris en ce qui concerne la possession du ballon et le football offensif.

À l'époque, vous étiez en supporter de l'Olympique Lyonnais, est-ce exact ?
Oui. J'avais l'habitude de me rendre au stade. J'y allais avec mon père et nous arrivions une heure avant le coup d'envoi pour regarder les échauffements. On achetait un kebab aux alentours du stade. Ensuite, nous regardions le match et en rentrant on parlait pendant tout le trajet de ce que nous avions vu. Pour moi, c'était un grand spectacle, je rêvais de devenir joueur à mon tour. Je dirais que Sonny Anderson était le joueur que je préférais. Ensuite, il y eut Juninho (Pernambucano), qui fut un grand joueur pour l'Olympique Lyonnais et qui a fait des choses ahurissantes. Ses coups francs étaient tout simplement incroyables.

©UEFA.com

Franchement, est-ce que vous chantiez ou criiez dans les tribunes de Gerland ?
Oui, je me souviens d'un derby entre Lyon et Saint-Étienne. Pour ce match, j'avais demandé à mon père une place parmi les fans qui chantaient, dans un virage. Mais je n'ai pas pu voir le match, parce que tout le monde était debout et que j'étais trop petit. Je ne voyais rien. Au retour, j'ai dit à mon père que jamais plus je ne voudrais faire ça, l'ambiance était géniale, mais je ne voyais rien.

Cela dû être difficile de quitter son pays, quitter sa famille jeune pour se retrouver seul. Qu'est-ce qui a fait que vous avez continué à y croire ?
L'homme qui m'a permis de continuer à y croire fut Éric Olhats, le dénicheur de talents qui m'a permis de rejoindre la Real Sociedad, parce qu'il s'est occupé de moi pendant cinq ans. Il m'a emmené à l'entraînement tous les jours. 45 minutes en voiture. Il a toujours été là pour moi. Il m'a toujours donné de bons conseils dans les mauvais jours. Ensuite, lorsque je me suis retrouvé dans l'équipe première, je dirais Claudio Bravo, Diego Rivas, Carlos Bueno… (des joueurs). Entrer dans le monde professionnel, c'est entrer dans un nouveau monde, mais ils m'ont beaucoup aidé. Ils étaient des piliers du vestiaire. Ils ont été très importants pour moi. Il y a eu aussi l'entraîneur, Martín Lasarte, il m'a donné confiance pour mes débuts.

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