Il était une fois l'EURO...
jeudi 14 mars 2024
Résumé de l'article
L’histoire fascinante de l’UEFA EURO a débuté en 1927. Pourtant, il a fallu attendre trois décennies et de nombreuses hésitations avant que le premier match du Championnat d'Europe de football soit disputé.
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Le Championnat d’Europe de football est aujourd’hui un événement sportif mondial de premier plan. Nous examinons ici comment l’EURO s’est fait un nom, a pris forme, puis s’est concrétisé dans les années 1950.
L’idée d’une compétition pour les équipes nationales avait déjà été suggérée auparavant par le Français Henri Delaunay, qui devint le premier secrétaire général de l’UEFA lors de la fondation de l’organisation en juin 1954. En 1927, Delaunay avait été engagé, aux côtés de l’éminent dirigeant du football autrichien Hugo Meisl, dans le dépôt d’une proposition à l’instance dirigeante mondiale du football, la FIFA, en vue de la création d’une Coupe européenne des nations.
Le rêve de Delaunay allait prendre 30 ans pour voir le jour, mais il était évident qu’un des premiers objectifs clés de l’UEFA était de créer une telle compétition pour les équipes nationales – c’était même écrit dans les premiers statuts de l’UEFA, le sentiment dominant étant qu’une confédération continentale de la FIFA devrait avoir sa propre compétition pour les équipes nationales. En automne 1954, l’UEFA créa une sous-commission chargée d’étudier un projet de règlement. Les travaux de cette dernière débouchèrent finalement sur la présentation d’une proposition au premier Congrès de l’UEFA à Vienne en mars 1955. Cette proposition prévoyait l’organisation de la compétition en deux phases, un tour éliminatoire durant la saison précédant la Coupe du monde et un tour final dans un seul pays la saison suivante. Afin d’éviter une surcharge du calendrier, la nouvelle compétition proposée devait également servir d’épreuve de qualification pour la Coupe du monde.
Les premières réactions de la FIFA, à laquelle il incombait d’autoriser une telle compétition, furent toutefois teintées de réticence. Son secrétaire général, Kurt Gassmann, écrivit à l’UEFA « qu’il ne partageait pas, à tous les points de vue, les idées qui ont été exposées par rapport à une compétition de l’UEFA et de la compétition préliminaire pour le Championnat du monde de 1958 ». Gassmann estimait que la proposition allait à l’encontre des intérêts de la FIFA et que l’organisation de la phase finale d’une compétition européenne la même année que le tour final de la Coupe du monde représentait une concurrence indésirable pour le tour final de la FIFA et mettait en péril des recettes indispensables pour elle. Il suggérait que la phase éliminatoire de la compétition européenne ait lieu deux ans avant le tour final de la Coupe du monde et le tour final une année avant le tour final de celle-ci. Il était aussi indiqué, soulignait Gassmann, « de renoncer à identifier la phase éliminatoire de la compétition européenne avec la compétition préliminaire de la FIFA. »
« Nous avons donc aujourd'hui une Union des associations européennes de football, et c'est très bien mais, à mon avis, elle n'a pas encore tout à fait rempli son objectif. Elle est devenue un groupement au sens juridique, mais pas encore au sens sportif. Et pourtant, je dirais que cet aspect sportif lui est aussi essentiel qu'une compétition nationale l'est pour une association, que le championnat d'Amérique du Sud l'est pour la Confédération sud-américaine de football ou que la Coupe du monde l'est pour la FIFA. »
Une idée « prématurée »
De ce fait, le Congrès de Vienne renvoya l’idée – jugée « prématurée » – à une sous-commission d’étude de l’UEFA. Une nouvelle proposition évita les collisions avec le tour final de la Coupe du monde, et l’idée d’une phase de groupes fut abandonnée au profit d’une formule à élimination directe afin de prévenir une surcharge du calendrier.
L’idée continua à susciter des oppositions. Les clubs furent consultés et ils étaient réticents à l’idée de mettre plus largement leurs joueurs à disposition des équipes nationales. Le projet fut donc reporté une fois de plus lors des Congrès de Lisbonne en 1956 et de Copenhague en 1957, et fut mis à l’ordre du jour du Congrès suivant à Stockholm en juin 1958. Cependant, en 1957, les partisans du projet avaient, lors d’un vote, obtenu la majorité par 15 voix contre sept, quatre abstentions et un bulletin blanc.
Les débats lors du Congrès qui se déroula dans la capitale suédoise le 4 juin furent nourris. Le procès-verbal souligne que le président de la Fédération italienne de football, Ottorino Barassi, « estimait que la création de cette épreuve n’était pas souhaitable car elle réduirait les calendriers internationaux et risquerait d’exciter les passions nationales. » L’Allemagne de l’Ouest affirma qu’il était inopportun de créer une compétition sans que les règlements eussent été soumis au Congrès. Néanmoins, une majorité des délégués présents au Congrès de Stockholm se prononça en faveur du lancement de la compétition.
Discussions durant la pause déjeuner
Le premier président de l’UEFA, le Danois Ebbe Schwartz, demanda à la sous-commission de rediscuter le projet durant la pause du déjeuner, en proposant que le début de la compétition soit remis à 1959 – une idée que la sous-commission n’approuvait pas entièrement. Il y eut des appels de la part des délégués pour que les 31 associations membres que comptait l’UEFA à cette époque, aient la possibilité de réexaminer le projet. Toutefois, après le début de la séance de l’après-midi, le président de l’UEFA mit définitivement terme aux pourparlers, en déclarant, d’après le procès-verbal du Congrès, que « le tirage au sort aurait lieu le vendredi 6 juin »,avant de passer au point suivant de l’ordre du jour.
Ce fut une longue et difficile naissance, mais on allait dès lors aller résolument de l’avant, et le tirage au sort s’effectua à l’hôtel Foresta à Stockholm deux jours après le Congrès. Il y eut 17 inscriptions pour la première édition de la compétition – Allemagne de l’Est, Autriche, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Norvège, Pologne, Portugal, République d’Irlande, Roumanie, Tchécoslovaquie, Turquie, URSS et Yougoslavie. Et il y eut trois absents de marque – l’Angleterre, l’Italie et l’Allemagne de l’Ouest.
Le premier match officiel de la Coupe d’Europe des nations, comme on l’appela, eut lieu le 28 septembre 1958, l’URSS affrontant la Hongrie au stade Luzhniki à Moscou. Le pays hôte remporta ce match des huitièmes de finale 3-1 devant 100 572 spectateurs (ultérieurement, un match préliminaire – tiré au sort afin de déterminer les deux équipes qui le disputeraient – vit la Tchécoslovaquie s’imposer contre la République d’Irlande à l’addition des matches aller et retour afin de constituer le groupe de 16 équipes participant aux huitièmes de finale). C’est Anatoli Ilyin qui marqua le premier but de de la compétition pour l’URSS après quatre minutes seulement.
Le rêve de Delaunay devient réalité
Malheureusement, Henri Delaunay n’allait jamais voir son rêve devenir réalité. Il mourut le 9 novembre 1955 et c’est son fils Pierre qui lui succéda au poste de secrétaire général de l’UEFA, continuant à soutenir avec ardeur l’idée de son père jusqu’à ce qu’elle reçoive le feu vert. En reconnaissance du rôle d’Henri Delaunay dans la création de la nouvelle compétition, il fut décidé que le trophée – fourni par la Fédération française de football – porterait son nom.
Pierre Delaunay était optimiste pour l’avenir de la compétition. « On peut s’attendre, écrivait-il dans le Bulletin officiel de l’UEFA en septembre 1958, à ce que, compte tenu de l’expérience acquise lors de cette première édition (…), le nombre des nations soit plus important en 1962. » Son optimisme n’était pas malavisé – en effet, 29 associations s’inscrivirent pour la deuxième édition, organisée de 1962 à 1964.
La première compétition se termina par un tour final en France en juillet 1960, mettant aux prises quatre équipes – le pays hôte, la Tchécoslovaquie, l’URSS et la Yougoslavie. L’URSS triompha 2-1 en finale contre la Yougoslavie au Parc des Princes. Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières – et le décor était planté pour le développement d’une compétition devenue, en l’espace de plus de six inoubliables décennies, l’une des manifestations sportives les plus importantes et les plus populaires au monde.