L’histoire d’Olena : comment le football aide les réfugiés à se construire une nouvelle vie
mercredi 15 octobre 2025
Résumé de l'article
À l’approche de l’édition 2025 de la Unity EURO Cup aux Pays-Bas, l’Ukrainienne Olena Chesanovska explique comment l’équipe d’Espagne des réfugiés représente un « îlot d’espoir » à la fois pour elle-même et pour d’autres coéquipiers qui s’installent dans de nouvelles communautés en Espagne.
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Quand Olena Chesanovska, son mari et ses deux jeunes enfants ont quitté Kiev en février 2022, dans le bruit assourdissant des sirènes et des explosions, elle était à mille lieues d’imaginer que le football, un sport qu’elle a commencé à la trentaine, lui offrirait un pont vers une nouvelle vie en Espagne.
Trois ans plus tard, Olena considère sa décision de s’entraîner avec l’équipe d’Espagne des réfugiés, créée par la Fédération espagnole de football (RFEF), comme un moment charnière qui lui a permis d’appartenir de nouveau à une communauté. « J’ai rencontré des gens différents de moi, mais qui me ressemblent tellement. Nous étions un peu perdus. Nous avions le mal du pays et nous portions en nous des souvenirs douloureux. C’est pour cette raison que nous nous sommes si bien compris », raconte Olena, aujourd’hui âgée de 44 ans. « Cette équipe est devenue mon îlot d’espoir. Peu importe d’où on venait, le plus important était de courir tous ensemble derrière le ballon. »
« Cette équipe est devenue mon îlot d’espoir. Peu importe d’où on venait, le plus important était de courir tous ensemble derrière le ballon. »
« Le football occupe une place tellement importante dans la culture espagnole. C'est grâce au football que j’ai ressenti ce sentiment d’appartenance. Même si notre équipe était principalement composée de garçons venant d’Afrique et d’Asie, nous partagions la même passion, avec eux et avec la partie espagnole de notre club. »
Rassemblant des joueurs issus de plus de dix pays, l’équipe d’Espagne des réfugiés est bien plus qu’un simple groupe de footballeurs, c’est un modèle de cohésion et d’espoir, sur le terrain et en dehors. Olena se remémore avec joie la visite du musée du football espagnol. Elle se rappelle aussi avoir assisté aux séances d’entraînements ouvertes au public de l’équipe nationale, grâce au soutien de la RFEF. « Mais le moment que je n’oublierai jamais, c’est quand nous avons été invités à assister au match amical entre l’Espagne et le Brésil au stade Santiago Bernabéu l’année dernière. Juste incroyable, des émotions indescriptibles. »
Olena a été très impressionnée par le soutien de la RFEF. L’équipe d’Espagne des réfugiés a eu accès aux infrastructures d’entraînement et ont pu échanger avec des techniciens chevronnés comme Jesús Paredes, qui a jadis travaillé aux côtés de Luis Aragonés, et son fils Rodrigo. « Dans cette équipe, j’ai trouvé des âmes sœurs, chez les personnes réfugiées comme chez les Espagnols. »
Une destination naturelle
Une fois que la décision de quitter l’Ukraine a été prise, l’Espagne a toujours été une destination naturelle pour sa famille. Son mari étant cubain, Olena et les enfants parlaient déjà espagnol. Ils ont traversé à pied la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie, puis ont voyagé en autocar et en train vers Bucarest et Budapest. Il n’y avait plus de vols pour l’Espagne, mais la chance leur a souri quand un homme qui faisait le trajet vers Barcelone en voiture a proposé de les emmener.
Les mois qui ont suivi ont été très durs : Barcelone, Madrid, puis Cuenca, les centres d’accueil de la Croix-Rouge, les hôtels pour réfugiés, l’incertitude, le désespoir. Finalement, toute la famille a emménagé dans un appartement à Alcalá de Henares, à 35 km de Madrid. Les enfants ont intégré l’école et Olena, chargée d’études dans le milieu médical, a pu reprendre son travail dans la filiale espagnole de son ancien employeur. Mais le poids émotionnel d’un tel déplacement continue à peser fortement sur la famille, qui a du mal à se sentir vraiment chez elle dans cette nouvelle communauté.
Douleur partagée
« Les Espagnols ont été gentils et accueillants, mais ils ne peuvent pas vraiment comprendre notre douleur. C’est pour cela que nous sommes restés un peu plus en lien avec d’autres Ukrainiens », reconnaît-elle.
Réveillés au beau milieu de la nuit par le bruit des explosions au loin, il y a trois ans et demi, Olena et son mari pensaient tout d’abord qu’il s’agissait d’un feu d’artifice. « On a vite réalisé que c’était toute autre chose », se souvient-elle, ressassant ces moments qui changent la vie de nombreux réfugiés. Des moments auxquels on peut s’attendre mais pour lesquels personne n’est préparé. « C’est un choc, on n’y croit pas. On n’avait rien stocké. C’était terrifiant. On ne pouvait pas partir tout de suite : on n’avait pas de voiture et c’était le chaos sur les routes. »
« C’est un choc, on n’y croit pas. On n’avait rien stocké. C’était terrifiant. On ne pouvait pas partir tout de suite : on n’avait pas de voiture et c’était le chaos sur les routes. »
Avec ses deux jeunes enfants, le couple est parvenu à quitter Kiev par l’une des dernières routes encore ouvertes, emportant avec lui quelques documents et de petits sacs à dos. Après avoir trouvé refuge chez les parents d’Olena, dans la petite ville de Kamianets-Podilsky, dans l’ouest du pays, la famille a décidé de quitter l’Ukraine pour prendre un nouveau départ en Espagne.
Une révélation
Olena a essayé différents moyens pour s’intégrer : des cours de flamenco, puis le padel, un sport presque inconnu en Ukraine mais très populaire en Espagne. Un jour, elle voit une petite annonce sur un groupe de messagerie en ligne du centre pour réfugiés : entraînement de football pour les filles de 15 ans et plus. Elle hésite. « J’avais 41 ans, et je n’avais jamais vraiment fait d’entraînement sérieux de football. J’avais juste commencé à 33 ans avec mes anciennes collègues à Kiev. On avait même créé une équipe féminine », sourit-elle. Finalement, elle décide d’essayer.
M’entraîner pour la première fois avec l’équipe d’Espagne des réfugiés a été une révélation. Peu de temps après, elle allait devenir une habituée des trajets du samedi matin, embarquant pour un voyage de deux heures pour être à la séance de 8h00 à Las Rozas, camp d’entraînement de l’équipe nationale. « Désormais, on s’entraîne à Madrid, mais c’est tout de même plus d’une heure en transport en commun le dimanche matin. Mais je ne suis pas toute seule, explique-t-elle. Certains coéquipiers font le trajet depuis Tolède, à 70 km, ou juste après avoir travaillé de nuit. Pour nous tous, chaque séance d’entraînement est un pur bonheur. »
Au début, sa nouvelle passion a même provoqué la surprise de son mari. « Tu vas jouer avec des hommes ? » s’est-il étonné. « Aujourd’hui, c’est l’un de mes plus grands supporters, s’amuse-t-elle. Jouer avec principalement des hommes est difficile. Parfois, je suis la seule femme à l’entraînement. Mais je sais que cela peut en inspirer d’autres. Récemment, une fille d’Afghanistan nous a rejoints. Au début, son mari était sceptique, même un peu opposé à l’idée, mais en voyant que c’était normal et épanouissant, son attitude a changé. »
L’exemple d’Olena a inspiré sa fille à faire du football. « Un jour, Anhelina m’a demandé : "Maman, toi tu joues, et moi, pourquoi je ne pourrais pas jouer ?" Bien sûr qu’elle pouvait jouer ! » Âgée de 10 ans, Anhelina était la gardienne de son équipe locale avant de faire une pause, car les matches étaient en même temps que les cours du samedi en Ukraine. Également encouragé par l’enthousiasme de sa maman, Roman, le fils d’Olena, âgé de 14 ans, qui avait tenté le football à Kiev avant d’abandonner, a recommencé à jouer avec ses amis espagnols.
Une troisième Unity EURO Cup
Désormais, Olena se prépare à disputer sa troisième Unity EURO Cup, un événement qui, comme elle le dit, ressemble à un EURO pour les réfugiés et qui lui a procuré les meilleurs souvenirs depuis que sa famille a quitté l’Ukraine.
« Rencontrer des Ukrainiens dans d’autres équipes m’a tellement émue. Je portais toujours un ruban bleu et jaune dans les cheveux pour que tout le monde sache d’où je viens. »
« La première édition, à Francfort, a été incroyable, un tel privilège. Rencontrer des Ukrainiens dans d’autres équipes m’a tellement émue. Je portais toujours un ruban bleu et jaune dans les cheveux pour que tout le monde sache d’où je viens. » La deuxième édition, à Nyon, était complètement irréelle, c’était comme dans un rêve. Je me souviens m’être dit "Wow, c’est la vraie UEFA ? Les trophées légendaires sont là, les stars passent par ici, et nous, nous sommes là aussi." Incroyable ! »
À présent, Olena et ses coéquipiers comptent les jours avant la prochaine édition du tournoi, qui se déroule aux Pays-Bas. Qu’elle gagne ou qu’elle perde, au coup de sifflet final, Olena rentrera à Madrid, où elle retrouvera sa famille, son travail et ses coéquipiers. Ensemble, ils continueront à bâtir des ponts grâce au football.
La Unity EURO Cup
La Unity EURO Cup est plus qu’un simple tournoi de football : c’est une célébration de la faculté de notre sport à unir les communautés, quel que soit le contexte.
Organisé par l’UEFA en collaboration avec notre partenaire le HCR (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés), cet événement mixte disputé par des équipes composées de réfugiés et de joueurs issus des communautés d’accueil braque les projecteurs sur une fonction vitale de ce sport : faciliter l’inclusion sociale.
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