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The Technician : jouer plus vite en prenant de meilleures décisions

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Comment les neurosciences influent-elles sur le développement des joueurs professionnels en Europe ?

Nathan Aké (Manchester City) et Elias Jelert (FC Copenhague) se disputent le ballon.
Nathan Aké (Manchester City) et Elias Jelert (FC Copenhague) se disputent le ballon. Ritzau Scanpix/AFP via Getty Ima

« Des cerveaux qui jouent au football », ou comment Jes Buster Madsen, responsable de la recherche et du développement au FC Copenhague, voit le football. Même s’il admet qu’il existe d’autres opinions, il estime qu’il s’agit d’un point de départ important pour aborder le rôle des neurosciences dans le développement de l’entraînement et des joueurs.

« Parce que c’est le cerveau qui joue au football et qu’il fonctionne différemment en fonction de la manière dont on l’entraîne et de ses dispositions génétiques, il doit y avoir des différences dans la manière dont les individus traitent et perçoivent le monde », explique Madsen, qui a rejoint le FC Copenhague en août 2021. « Cela signifie qu’il existe aussi de meilleures manières de percevoir le monde pour ce qui est de la vitesse, de la précision, de l’exécution et de la prise de décision. »

Madsen, qui a travaillé dans le milieu universitaire avant de passer à celui du football, pense que les compétences cognitives requises par les footballeurs d’élite sont un mélange de différentes catégories. « Bien sûr, pour commencer il y a l’attention, explique-t-il. Et je n’entends pas par là la concentration. J’entends la capacité de regarder en direction des stimuli et de savoir quelles sont vos priorités. »

Il cite également les capacités d’analyse, la mémoire de travail, la reconnaissance des schémas, l’analyse visuelle, l’anticipation, la flexibilité cognitive, la prise de décision et l’inhibition motrice comme des éléments clés pour jouer au football au plus haut niveau. « La manière dont ces éléments interagissent est extrêmement compliquée et fascinante », ajoute-t-il.

À l’académie du FC Copenhague, l’une des nombreuses responsabilités de Madsen consiste à développer les compétences cognitives des jeunes joueurs âgés de 14 à 19 ans. Un point intéressant est qu’il estime qu’une partie du travail effectué dans ce domaine convient mieux à des joueurs plus âgés qu’à des joueurs plus jeunes.

« Les joueurs plus âgés ont des manières plus spécifiques d’analyser et de percevoir le monde, explique-t-il. Par conséquent, il est plus facile pour nous de comprendre ce que nous sommes censés travailler. Les joueurs de moins de 14 ans travaillent en outre leur maîtrise du ballon et les aspects techniques et tactiques, si bien qu’ils ne sont pas toujours concentrés sur le temps de lecture des informations ou sur leurs facultés d’inhibition. Mais une joueuse ou un joueur de l’équipe première, ou encore un joueur de moins de 19 ans qui dispute la Champions League, sait qu’il travaille sur les détails. Donc là, c’est plus logique. »

Qu’il s’agisse de joueurs juniors ou seniors, le club danois travaille « à partir du jeu » pour développer son modèle d’application des neurosciences dans le football. « Ce que nous voulons, c’est que le processus de prédécision des joueurs soit aussi rapide que possible, complète-t-il. Ainsi, plus ils arrivent à traiter d’informations sur le jeu avant d’avoir à prendre une décision, plus ils peuvent jouer vite. Nous voulons des joueurs qui jouent vite. Si vous attendez de recevoir le ballon pour analyser ce qui vous entoure, vous perdez de précieuses secondes. »

Jes Buster Madsen travaille avec de jeunes joueurs de l’académie du FC Copenhague.
Jes Buster Madsen travaille avec de jeunes joueurs de l’académie du FC Copenhague.

Une cognition différente selon les postes

Bien que le FC Copenhague ait mis l’accent sur le temps d’analyse de l’environnement, le poste auquel évolue la joueuse ou le joueur appelle à considérer d’autres points importants. « Il ne s’agit pas seulement de disposer de la cognition la meilleure et la plus rapide, explique Madsen. Il s’agit aussi d’avoir une cognition adaptée aux tâches que l’on est censé accomplir. Par exemple, les éléments qu’une ailière ou un ailier doit analyser sont différents de ceux concernant un·e milieu de terrain central·e. Il faut donc tenir compte de l’individu au moment d’analyser l’aspect cognitif. »

Le FC Copenhague utilise différents types de mesures de la cognition quand il se concentre sur une joueuse ou un joueur. « Pour nous, il ne suffit pas de faire des tests cognitifs classiques, où on s’assoit devant un écran et appuie sur des boutons, explique Madsen. Nous avons donc aussi mis au point notre propre système, en collaboration avec une société de logiciels norvégienne. Nous avons développé un outil de test qui nous permet de voir la capacité des joueurs à "lire" et à mémoriser des objets se trouvant dans leur environnement. »

Les résultats de ces tests sont associés à des informations tirées de tests de réaction et de tests cognitifs plus « classiques » que le club juge pertinents. Un rapport sur la joueuse ou le joueur contenant des données et des observations de l’entraîneur·e est ensuite rédigé.

Madsen tient à souligner que le travail accompli par le club se concentre principalement sur le terrain d’entraînement et non sur les écrans. « Nous ne consacrons pas beaucoup de temps à l’entraînement cognitif, qui représente le Graal pour beaucoup de gens, dit-il. Nous sommes extrêmement critiques face à l’idée de mettre les joueurs devant un logiciel ou un système de réalité virtuelle, de les entraîner deux heures par semaine et de croire ensuite qu’ils deviendront de meilleurs footballeurs de cette manière. Au lieu de cela, nous nous sommes dit : "Commençons par des tests et des évaluations des joueurs, et travaillons ensuite sur le terrain sur la base de ces connaissances. Après cela, développons des idées et une méthodologie sur la manière de procéder et d’améliorer le niveau des joueurs." »

Une communication efficace dans l’environnement du football

La transition de Jes Buster Madsen du milieu universitaire à celui du football a nécessité pour lui de mieux comprendre le fonctionnement d’un club de football et les techniques de communication nécessaires pour que cette dernière soit efficace. « J’ai passé beaucoup de temps avec les entraîneurs pour comprendre le fonctionnement des entraînements : Comment prépare-t-on une séance d’entraînement ? Quels sont les mots utilisés ? Quels sont les objectifs que nous essayons d’atteindre ? Ce sont des questions importantes. Peu à peu, j’ai de mieux en mieux compris ce monde. »

Une autre partie importante du parcours de Madsen dans le football a consisté à développer son style de communication et à savoir quelle quantité d’informations fournir. « J’ai dû apprendre à transmettre ces connaissances, explique-t-il. Je me souviens de ma première présentation. J’avais plus ou moins 20 éléments de données pour chaque joueur. À la fin de la réunion, personne n’avait retenu quoi que ce soit. C’était trop d’informations.

» Aujourd’hui, je garde toujours les 20 éléments de données. On peut cependant les isoler pour les analyser si on s’intéresse à une joueuse ou un joueur en particulier. Mais l’évaluation générale est plus simple. Nous donnons une recommandation directe pour chaque joueuse ou joueur. Par exemple, "il devrait travailler sur ses réactions ou sur sa lecture du jeu". Par la suite, si les entraîneurs souhaitent que nous allions plus dans les détails, nous le faisons, en examinant tous les chiffres et parfois aussi en analysant des séquences vidéo. »

Conseils aux clubs souhaitant intégrer les neurosciences dans leur approche

Bien que Madsen travaille aujourd’hui dans une équipe composée de deux personnes qui se concentre sur la recherche et le développement, il estime que d’autres clubs peuvent être efficaces dans ce domaine sans avoir besoin de beaucoup de ressources. « Nous avons commencé sans acheter de produits, car nous n’étions pas convaincus, explique-t-il. D’une certaine manière, c’est la décision la plus importante que nous avons prise, car elle nous a fait réfléchir à ce dont nous avions vraiment besoin. »

Il conseille aux autres clubs de développer leur propre théorie de la cognition en travaillant avec les joueurs sur le terrain. « Le modèle pourrait être tout simplement : lecture, analyse, décision, action. Ce serait suffisant. Ensuite, essayez d’observer les joueurs et de les analyser à travers ce modèle. C’est mieux que d’acheter un outil de test d’entraînement onéreux, d’obtenir beaucoup de données et de se demander ensuite "Que signifient ces données ?" ».

L’interprétation des données dans le contexte du jeu reste un défi pour toutes les personnes qui travaillent dans ce domaine, explique-t-il. « Je pense que les gens ont tendance à trop penser qu’on parle d’objets et de valeurs distincts et isolés du jeu. Mais ce n’est pas le cas : il s’agit de perception, et la perception, elle est sur le terrain. Par conséquent, créez un vocabulaire et intégrez-le aux différents éléments qui composent les séances d’entraînement. C’est gratuit. »

Inclure les sciences cognitives dans la manière dont les clubs travaillent avec les joueurs peut offrir un avenir radieux, conclut Jes Buster Madsen. « Il est très important que les sciences cognitives deviennent une partie intégrante de la manière de travailler avec les joueurs, et non pas de la manière de les évaluer ou de les exclure, explique-t-il. Il faut interpréter chaque profil cognitif en tenant compte de la personne elle-même et de l’équipe dont elle fait partie. Dès lors, vous pouvez commencer à avoir des conversations extrêmement pertinentes, intéressantes et motivantes avec les joueurs sur les meilleures stratégies pour percevoir et analyser le jeu. C’est le plus important.

» Si vous pouvez les aider à jouer plus vite et à prendre de meilleures décisions, alors les neurosciences cognitives ont réussi. Si ce n’est qu’un élément de données de plus que nous collectons sans y réfléchir en profondeur, alors la réussite ne sera pas au rendez-vous. »

Comment le PSV Eindhoven a intégré les tests cognitifs des M13 aux seniors

Les tests cognitifs constituent une partie importante du programme de l’académie et de l’équipe première du PSV Eindhoven depuis 2016. Deux fois par an, chaque joueuse et chaque joueur, des moins de 13 ans à l’équipe senior, se soumettent à une série de tests neurocognitifs dans leur club. Depuis le lancement du projet, il y a huit ans, le club enregistre les résultats, ce qui constitue une mine d’informations.

« Nous disposons des résultats de près de 2000 tests effectués auprès de plus de 600 athlètes », explique Jurrit Sanders, responsable scientifique du sport à l’académie du PSV Eindhoven. « Cela signifie que nous avons créé notre propre base de données et nos propres valeurs normatives. Grâce à ces informations, nous pouvons lancer des discussions avec nos entraîneurs, et il en ressort beaucoup d’éléments. »

L’équipe de l’Eredivisie (première division néerlandaise) utilise un test en ligne qui comprend quatre jeux et dure environ 45 minutes. « Le premier jeu concerne la mémoire de travail, explique Sanders. Le deuxième concerne les aptitudes d’anticipation. Le troisième porte sur le contrôle et la vitesse de réaction dans des situations plus automatisées, tandis que le quatrième est axé sur l’attention et la vitesse de réaction dans le cadre de réflexions plus complexes. »

Sanders souligne que le club mène une réflexion approfondie et critique sur la façon dont les résultats des tests en ligne sont applicables au terrain. « Grâce aux expériences vécues au cours des huit dernières années et à toutes les discussions que nous avons eues non seulement avec les entraîneurs, mais aussi avec des experts internes et externes en neurosciences, nous sommes convaincus que la question cognitive apporte une réelle valeur ajoutée à notre manière de travailler. »

Selon Sanders, le fait que l’aspect cognitif est aujourd’hui ancré dans l’approche du club en matière d’entraînement prouve cette conviction. « Petit à petit, la cognition est devenue normale au sein de l’académie, déclare-t-il. Tout le monde en parle et en est conscient. Outre les compétences techniques, tactiques et physiques, la cognition est une composante très importante de notre modèle. Le plus important, c’est que la cognition est intégrée dans l’approche des entraîneurs et dans leur façon d’aborder le football. »

D’après Sanders, les résultats des tests neurocognitifs aident les entraîneurs à travailler plus efficacement avec chaque joueuse et chaque joueur. « Nous pensons que travailler de cette manière aide les entraîneurs à comprendre pourquoi ils voient tel ou tel comportement sur le terrain, explique-t-il. Nous leur donnons des conseils sur la manière d’aborder certains joueurs, aussi bien sur le terrain qu’en dehors. Grâce à ces discussions, il y aura des améliorations, car l’approche avec les joueurs sera modifiée. »

Johan Bakayoko (PSV Eindhoven) à l'entraînement.
Johan Bakayoko (PSV Eindhoven) à l'entraînement.AFP via Getty Images

Traduire la cognition en activités sur le terrain et en dehors

Les séances d’entraînement à l’académie du PSV Eindhoven se concentrent sur différents aspects du modèle du club en matière de cognition dans le football. « Nous considérons ce processus comme un processus en trois étapes, explique Sanders. La première étape consiste à percevoir l’environnement. Cette étape est réalisée à hauteur de 95 à 98 % par la vue. Elle peut aussi l’être par l’ouïe – quand on écoute ses coéquipiers et ses entraîneurs – et par le toucher. Mais la perception se fait principalement par la vue.

» L’étape suivante consiste à traduire ces informations en un choix. Cette étape est réalisée grâce à de nombreuses comparaisons qu’effectue le cerveau. Par exemple, on compare la situation réelle sur le terrain à ce qu’on a appris, en cherchant dans sa propre bibliothèque, dans laquelle on va trouver ce qu’on a vu par le passé, ce que l’entraîneur·e nous a dit et les tactiques qu’on nous a enseignées.

» Toutes ces comparaisons mènent à un choix, qu’il faut ensuite transformer en une action de football. C’est la dernière étape. Cela veut donc dire que le cerveau doit envoyer un message aux muscles. Il s’agit d’un processus continu. Au moment où on exécute l’action, on capte déjà de nouvelles informations, ce qui veut dire qu’il faudra peut-être interrompre l’action en cours pour en commencer une nouvelle. Le concept d’inhibition est important ici. »

Un travail individuel pour soutenir les joueurs

Une partie du travail accompli par le PSV Eindhoven pour développer les compétences cognitives des joueurs se concentre sur des exercices pratiques individuels et en petits groupes. « En plus de nous concentrer sur la cognition dans les entraînements d’équipe, nous conduisons les joueurs à l’intérieur, dans un cadre plus restreint, explique Sanders. En travaillant avec un, deux ou trois joueurs, nous pouvons vraiment bombarder ceux-ci d’informations et de stimuli afin d’améliorer soit leur lecture, soit leurs facultés d’exécution de gestes techniques, sous pression. Nous sélectionnons les joueurs sur la base des informations obtenues lors des tests, de ce que l’entraîneur voit sur le terrain et de ce que les joueurs pensent eux-mêmes avoir besoin d’entraîner. »

Comment Sheffield United se concentre sur la régulation du corps pour aider ses joueurs à appliquer leurs compétences cognitives de façon plus efficace

« Pour que les joueurs puissent appliquer efficacement leurs compétences cognitives, telles que la lecture [de leur environnement], leur corps doit être dans un état régulé », déclare Sally Needham, responsable du développement humain et de la culture de la performance à l’académie de Sheffield United.

« Pour utiliser les compétences cognitives, il faut que le corps soit dans un état régulé », explique Needham, qui a intégré le club de Premier League anglaise en décembre 2020, après avoir travaillé à l’Association anglaise de football et à Doncaster Belles pendant plus de dix ans. « Si votre corps n’est pas dans un état régulé, les mouvements de vos yeux se mettent en "mode avion", et votre fréquence cardiaque ainsi que vos mouvements corporels changent. Cela signifie que les aptitudes à penser et à ressentir deviennent limitées.

» Quand le corps d’une joueuse ou d’un joueur se trouve dans un état régulé, la joueuse ou le joueur en question peut se déplacer, planifier et prédire avant de recevoir le ballon, ajoute-t-elle. Elle ou il est également capable de pointer du doigt, de parler et de donner des signes comme un pouce levé ou un sourire. En outre, elle ou il peut voir les images, planifier et prédire, ainsi qu’analyser et exécuter. Mais si son corps ne se trouve pas dans un état régulé, tout cela devient un défi. »

Pour veiller à ce que les joueurs ne soient pas dans un état dérégulé pendant un match ou une séance d’entraînement, Needham parle de « zone rouge » et de « zone verte ». Bien que le cerveau ne fonctionne pas ainsi, ce modèle aide les jeunes joueurs à mieux comprendre leur ressenti, explique-t-elle. « Nous parlons beaucoup de la "zone rouge" et de la "zone verte". Ainsi, lorsque les joueurs sont dans la zone rouge, ils décrivent leur ressenti en disant qu’ils ont l’impression d’errer dans le match, d’être vides ou d’avoir la tête dans la lune. Quand ils se sentent ainsi et commettent une erreur, certains ont alors l’impression que leur vue est limitée et ils vont prendre d’autres mauvaises décisions. C’est ce qui se passe quand ils se trouvent dans la zone rouge ou en mode avion. »

Se trouver dans un état dérégulé, ou, en d’autres mots, dans la zone rouge, peut entraîner des conséquences négatives sur la performance physique des joueurs, selon Needham. « Du point de vue de la réaction physiologique, nous savons que si certains de nos joueurs sont un état réactif de stress avant le début du match, après dix à quinze minutes de jeu, ils trouveront le match difficile sur le plan physique. Cela s’explique par le fait soit que leur fréquence cardiaque diminue et qu’ils s’immobilisent, soit que celle-ci augmente et se mobilise pour se mettre en mode combat ou en mode avion. Notre corps est seulement là pour nous protéger. »

Les joueurs doivent être dans un état physique régulé pour pouvoir faire face aux exigences du football d’élite.
Les joueurs doivent être dans un état physique régulé pour pouvoir faire face aux exigences du football d’élite.Getty Images

Un « terreau plus fertile » pour relever les défis liés à la performance au niveau élite

Needham décrit son travail à Sheffield United comme consistant à donner un « terreau plus fertile » aux joueurs pour qu’ils puissent relever les défis liés à la performance au niveau élite. « Nous examinons comment soutenir et développer l’état physique des joueurs, déclare-t-elle. Je parle de "terreau". Plus le terreau dans leur système est fertile, plus ils peuvent rester longtemps dans un niveau de régulation optimal. Si vous avez une fenêtre de tolérance plus grande ou, en d’autres termes, un meilleur niveau d’éveil, ou encore, comme j’aime à l’appeler, un "terreau plus fertile", vous avez plus de temps à consacrer au ballon, car vous pouvez voir les images et lire [votre environnement] beaucoup plus clairement. Si votre état physique n’est pas régulé, ces points sont très limités. »

À Sheffield United, Needham utilise le yoga, le travail de la respiration, la tenue d’un journal et l’éducation du corps et du cerveau pour aider les jeunes joueurs à agrandir leur fenêtre de tolérance ou, en d’autres mots, à atteindre un niveau d’éveil optimal. « Aux garçons qui se trouvent dans la phase de développement professionnel (17-21 ans), nous transmettons des connaissances sur le fonctionnement du corps et du cerveau, puis nous donnons les outils pour se servir de ces connaissances, précise-t-elle. Ainsi, dans le cadre de leur programme, tous les joueurs pratiquent le yoga, travaillent leur respiration et reçoivent un journal qu’ils doivent tenir. En outre, certains d’entre eux sont équipés de différents outils spécifiques, en fonction de leurs besoins. »

Needham explique que le cerveau et le corps des jeunes footballeurs continuent de se développer jusque vers 25 ans et qu’il est donc essentiel de soutenir les joueurs de cette catégorie d’âge. « Au club, nous avons clairement décidé que nous voulions que les joueurs se connaissent eux-mêmes, déclare-t-elle. Le cerveau et le corps des joueurs ne se stabilisent que vers 25 ans. Nous souhaitons donc faire en sorte que les joueurs acquièrent ces connaissances d’eux-mêmes tôt dans leur parcours et leur donner de très bonnes habitudes matière de performance et non qu’ils réfléchissent à cela plus tard. »

Le processus d’apprentissage est favorisé en mettant l’accent sur le sommeil, la pleine conscience et l’autosuggestion. « Nous avons une salle de pleine conscience et des murs de coloriage, explique Needham. Dans le programme, nous faisons du yoga et travaillons la respiration. Nous travaillons aussi beaucoup le langage. Ils savent qu’un certain type de langage et d’autosuggestion les maintient dans la zone rouge et qu’un autre type de langage et d’autosuggestion peut les ramener dans la zone verte.

» Par exemple, un avant-centre qui ressent de la frustration parce qu’il a raté une occasion peut rester coincé dans ce sentiment. S’il rate à nouveau, c’est encore un commentaire négatif, ce qui le maintient piégé dans ce sentiment. Nous savons que cela arrive et c’est normal. Le plus important, c’est la rapidité avec laquelle il va effectuer une remise à zéro. Nous avons donc une stratégie de remise à zéro qui ramène les joueurs dans la zone verte. »

L’importance des activités d’arrivée, des tableaux de structure et des salutations personnelles

À tous les niveaux du jeu, les entraîneurs peuvent prendre des mesures pour aider leurs joueurs – et s’aider eux-mêmes – à rester dans un état régulé, selon Needham. Les activités d’arrivée, les tableaux de structure et les salutations personnelles sont autant de stratégies utiles.

« Être entraîneur·e de football de base peut être difficile. Il se peut que les entraîneurs se rendent à la séance directement après le travail et qu’ils aient beaucoup de tâches à accomplir à leur arrivée, indique-t-elle. Il est donc très important qu’ils se mettent dans un état régulé avant de commencer à travailler avec les joueurs. La connaissance de soi de l’entraîneur·e est très importante. Elle ou il doit être conscient·e de son autorégulation et de son langage corporel. Un·e adulte se trouvant elle-même ou lui-même dans un état dérégulé ne peut pas aider un·e enfant se trouvant dans un état dérégulé à se réguler. Ainsi, l’adulte doit réguler ses propres besoins. »

Accueillir chaque joueuse ou joueur et le lancer directement dans une activité à son arrivée est une partie importante du processus de l’« avant-séance ». « Nous savons que le système de détection des menaces est axé sur les yeux et la bouche, ajoute-t-elle, et nous connaissons l’importance du ton de la voix et du langage corporel. En souriant et en saluant personnellement les joueurs à leur arrivée, on permet à chaque joueuse ou chaque joueur de s’installer. En les plaçant directement dans une activité d’arrivée, l’entraîneur·e aura aussi l’occasion de réguler son propre état.

» On peut utiliser un tableau de structure pour décrire la séance de la soirée. Celui-ci peut aider les enfants à gérer leur anxiété, poursuit Needham. Les enfants disent souvent en arrivant "Qu’est-ce qu’on fait ce soir ?" ou "Est-ce qu’on joue ce week-end ?". C’est une manifestation de leur anxiété. Décrire clairement le programme de la séance et le minutage des activités peut contribuer à réduire l’anxiété de la joueuse ou du joueur.

» Si l’état d’un·e enfant se dérégule, la meilleure chose à faire est de lui faire travailler sa respiration, déclare Needham. La respiration est la télécommande de notre corps. Donc dans pareil cas, il est préférable de respirer profondément pendant un certain temps. L’entraîneur·e peut faire cela avec l’enfant, car ils peuvent réguler ensemble leur système nerveux respectif jusqu’à ce que l’enfant se sente en sécurité. »

En construisant un environnement sûr pour que les joueurs puissent s’entraîner et jouer, on peut augmenter le niveau de difficulté. « Nous devons créer un niveau de sécurité de l’état physique aussi élevé que possible pour pouvoir ensuite pousser les joueurs sur le terrain et renforcer leur résilience, explique Needham. Il ne s’agit pas de bâtir un environnement vraiment confortable sans aucun défi ; la sécurité est nécessaire pour pouvoir ensuite relever le niveau de difficulté. Si les joueurs ne sont pas dans un état physique positif et que vous commencez à les pousser, leur état ne fera que de se déréguler. »