Sir Stanley Matthews, sorcier du dribble

On ne pouvait faire plus bel éloge : Pelé qui dit de Sir Stanley Matthews qu'il "nous montre comment il faut jouer au football". Cela résume bien l'impact de l'ancien international anglais sur le jeu, et, plus particulièrement, sur le poste d'ailier.

Le talent de Matthews, qui aurait eu 100 ans aujourd'hui, balle au pied se résume aux surnoms qu'il s'est vu attribués : "Le sorcier du dribble" et "le magicien". En 2006, dans son libre The Football Man, Arthur Hopcraft écrivait : "Si Matthews n'a pas inventé le dribble, il l'a sublimé comme personne."

Stanley Matthews sous le maillot de Stoke©Getty Images

Une carrière qui s'étend sur trois décennies, deux titres de champion avec Stoke City FC, un avec Blackpool FC et 11 buts en 54 sélections : Matthews soulevait les foules d'un bout à l'autre de l'Angleterre. Son dernier match professionnel, il l'a disputé à l'âge de 50 ans. Il a participé aux Coupes du monde de la FIFA 1950 et 1954, mais son plus beau match reste sa finale de FA Cup, en 1953.

Blackpool était mené 3-1 par le Bolton Wanderers FC devant 100000 personnes à Wembley, mais Matthews avait sonné la révolte et les hommes du Lncashire avaient finalement gagné 4-3. Et même si Stan Mortensen avait inscrit un triplé ce soir-là, l'homme du match chez les Tangerines reste Stanley Matthews. La preuve : on parle encore, aujourd'hui, de "la finale de Matthews".

Ses exploits ce jour-là avaient scotché toute une nation : en effet, des millions d'Anglais avaient regardé la retransmission de ce match sur un téléviseur acheté quelques mois auparavant, pour le couronnement de la Reine Elizabeth II. En 1956, il reçoit le premier Ballon d'Or - alors "Titre du footballeur européen de l'année". Lui, le fils de barbier, issu d'une fratrie de quatre garçons, et ex-boxeur poids plume, qui avait commencé sa carrière 21 ans auparavant, au sein du club local de Stoke.

En 1995, il déclarait, au micro de la BBC Radio 5 Live : "J'adorais prendre une petite balle et jouer avec. J'avais même l'habitude d'aller chez le boucher récupérer les vessies de porc pour les gonfler et en faire un ballon. Je jouais même la nuit, sous les réverbères. C'était mon plaisir."

C'est grâce à tout ce temps passé à peaufiner sa technique – avec l'aide de son père, Jack – que Matthews allait se voir offrir la possibilité de jouer pour Stoke. Il a joué pour le club de 1932 à 1947, puis de 1961 à 1965, deux baux marqués, à chaque fois, d'un titre de champion de deuxième division. Entre temps, il a porté le maillot de Blackpool.

C'est son hygiène de vie irréprochable (jamais de tabac, jamais d'alcool, et du jus de carotte tous les jours) qui lui permit de rester si longtemps au haut niveau. Le 15 mai 1957, à 42 ans et 103 jours, Matthews devient le joueur le plus âgé à porter le maillot de l'Angleterre (victoire 4-1 contre le Danemark, à Copenhague).

"Je voulais jouer continuer à jouer tant que mon corps me le permettait, car j'étais un fou de football, j'adorais ce jeu" a-t-il déclaré lors d'une interview pour la fédération anglaise (FA). "J'ai eu la chance d'être bien conseillé : j'ai commencé à manger plus de salades, plus de fruits, et, tous les lundis, je jeûnais. Je ne faisais cela que le lundi, mais cela me permettait de me sentir bien."

La statue de Stanley Matthews, à Stoke©Getty Images

Un mois avant son dernier match de championnat, Stoke-Fulham FC, le 6 février 1965, il est anobli par la reine pour services rendus au football. Après sa retraite, Sir Stan, qui n'a jamais reçu un seul carton lors de sa carrière, est statufié par le club de Stoke, qui l'élève au rang d'autres grands noms de ce sport, comme Lev Yashin, Raymond Kopa, Alfredo Di Stéfano, Ferenc Puskás ou Eusébio.

Matthews aura également eu une brève carrière d'entraîneur sur le banc du Port Vale FC, le club rival de Stoke, en 1967. Il a également beaucoup entraîné à l'étranger, surtout en Afrique du Sud, alors en situation d'apartheid. Il s'y était rendu pour la première fois en 1955 et y retournait souvent. En 1975, il crée une équipe de jeunes joueurs noirs, appelés les 'Stan's Men', originaires de Soweto, le township de Johannesburg. Il les emmène même en tournée au Brésil, où ils ont le privilège de rencontrer Pelé.

Sir Stan disparait le 23 février 2000, à l'âge de 85 ans. Près de 100000 personnes innondent alors les rues de Stoke pour lui rendre hommage au passage du cortège. Ses cendres sont enterrées sous le rond central du stade de Stoke, qu'il avait inauguré en 1997. "Le football a rythmé ma vie pendant plus de 80 ans", a-t-il écrit dans The Way It Was, son autobiographie. "Je l'ai aimé du plus profond de mon être". Chose que les habitants de Stoke peuvent également dire de ce grand Homme.