Idées françaises et victoires espagnoles
mardi 17 juin 2014
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UEFA.direct poursuit sa rétrospective couvrant 60 ans d’évènements mémorables. Place aux années 1950.
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Pour célébrer le 60e anniversaire de l’UEFA, UEFA.direct poursuit sa rétrospective couvrant six décennies d’événements footballistiques européens mémorables. Dans cette édition, nous revenons aux années 1950 et à la naissance de deux compétitions européennes majeure
Le journal français "L’Equipe", et particulièrement son rédacteur en chef Gabriel Hanot, ancien joueur et entraîneur de l’équipe nationale, ainsi que le journaliste Jacques Ferran, mènent une campagne énergique en faveur d’une compétition pour les équipes de clubs au cours des années 1950. Leur projet prévoit 16 clubs de 16 pays – bien qu’ils ne fussent pas forcément champions à cette époque – disputant des matches sur une base aller-retour, l’équipe marquant le plus grand nombre de buts à l’addition des deux matches se qualifiant pour le prochain tour.
Les délibérations avec les dirigeants de l’UEFA et les représentants des clubs débouchent sur l’acceptation du projet. Un comité d’organisation est créé et la FIFA approuve le projet en mai 1955. Les clubs participants ont besoin de l’approbation de leurs associations nationales, une autre condition étant que la compétition doit avoir lieu sous les auspices de l’UEFA. Le 21 juin 1955, le Comité exécutif de l’UEFA avalise les conditions de la FIFA et baptise la compétition "Coupe des clubs champions européens".
Le premier match a lieu au stade national de Lisbonne le 4 septembre 1955 – un match nul 3-3 entre le Sporting Clube de Portugal et le FK Partizan. Parmi les 16 clubs inscrits, on dénombre sept champions nationaux : les RSC Anderlecht, AGF Arhus, Djurgardens IF FF, AC Milan, Real Madrid CF, Stade de Reims Champagne et SC Rot-Weiss Essen.
Le Real Madrid avait déjà goûté au succès international en Coupe latine, qui avait opposé les champions d’Espagne à leurs homologues français, italiens et portugais. Traversant une période magique, le Real Madrid dominera alors la Coupe des clubs champions en remportant cinq titres d’affilée jusqu’en 1960. Sous la conduite de talentueuses vedettes comme Ferenc Puskás, Alfredo Di Stéfano et Francisco Gento, peu d’équipes résistent au brio du club madrilène, dont le couronnement intervient, au tournant de la décennie, sur un succès 7-3 sur l'Eintracht Francfort devant 127 000 spectateurs à Hampden Park, à Glasgow. "Il y a toujours eu cette volonté de gagner, de tenir un rôle dominant sur et en dehors du terrain", déclarait Gento. "Et cela a fait que le Real Madrid a remporté un aussi grand nombre de titres depuis lors – autant de volonté que de plaisir." "Le Real Madrid était une grande équipe", ajoutait Di Stéfano, surnommé La Saeta Rubia – la flèche blonde – pour ses déboulés fulgurants en attaque. "Il n’y avait pas d’égoïsme, c’était un véritable groupe."
"Un des joueurs les plus en vue des années 1950 est l’attaquant français Raymond Kopa. Il dispute, sous les couleurs du Stade de Reims, l’épique finale à rebondissements de 1956 qui voit le Real Madrid triompher 4-3 à Paris… avant d’être transféré au Real. "Ce furent des années fantastiques. Nous avons remporté trois Coupes d’Europe, deux titres de champion d’Espagne et n’avons perdu qu’un seul match à domicile durant toute cette période… Nous avions des joueurs formidables : Di Stéfano, Puskás, Gento. J’ai été ébloui par Puskás. Il avait un tir incroyable et, à 35 mètres du but, c’était déjà une menace. Il avait 31 ans quand il est arrivé à Madrid et il était en surpoids, mais il fut encore quatre fois meilleur buteur de la Liga. L’atmosphère lors des matches était fantastique – 125 000 spectateurs agitant des mouchoirs blancs. Si je devais classer les meilleures équipes de l’histoire du football, je n’hésiterais pas : au premier rang, le Brésil de 1970 et, au deuxième, notre équipe du Real Madrid…"
Un accident provoque une profonde tristesse pour tous ceux qui aiment le football. Le 6 février 1958, l’avion ramenant le Manchester United, après sa victoire en quarts de finale de la Coupe des clubs champions contre l'Étoile Rouge à Belgrade, s’écrase au décollage après une escale à Munich. Trente-trois personnes, dont huit joueurs de United – Geoff Bent, Roger Byrne, Eddie Coleman, Duncan Edwards, Mark Jones, David Pegg, Tommy Taylor et Liam Whelan – perdent la vie. Les "Busby Babes", surnommés ainsi en référence à l’entraîneur écossais de United Matt Busby, semblaient contester la domination du Real Madrid quand survient cette tragédie. "Je pense que si l’équipe était restée la même, nous aurions remporté le titre européen cette année-là", déclarait Bobby Charlton, l’un des survivants de l’accident, qui fera une magnifique carrière et qui soulèvera le trophée dix ans plus tard. "Le Real Madrid l’a remporté les cinq premières années, mais nous n’avions jamais reculé une fois que nous nous étions engagés sur la voie pour devenir les meilleurs en Europe. Hormis le Real Madrid à cette époque particulière, nous ne craignions personne."
Outre la naissance de la Coupe des clubs champions, une compétition pour les équipes nationales européennes voit le jour. L’une des chevilles ouvrières de ce projet est le premier secrétaire général de l’UEFA, le Français Henri Delaunay, qui soutient l’idée dès la fin des années 1920 et qui poursuivra son rêve jusqu’à sa disparition en novembre 1955. Finalement, en 1958 à Stockholm, la décision est prise d’introduire la Coupe d’Europe des Nations et 17 équipes participent au premier tirage au sort de la compétition – les associations britanniques, l’Italie et la République fédérale d’Allemagne sont absentes. Le trophée de la nouvelle compétition est baptisé Coupe Henri-Delaunay en reconnaissance des services du Français au football européen.
La République d’Irlande perd face à la Tchécoslovaquie dans un match préliminaire (les deux équipes ont été désignées par tirage au sort). Le premier match de la compétition proprement dite a lieu le 28 septembre 1958 au stade Centralnyi à Moscou – l’URSS battant la Hongrie 3-1 devant 100 572 supporters, et l’équipe locale d’Anatoli Llyin marquant le premier but après quatre minutes. La première compétition se déroule entre 1958 et 1960, selon la formule des matches aller-retour entraînant une élimination directe jusqu’au tour final réunissant quatre équipes et qui se déroule en France.
La politique et le sport entrent en collision. Au stade des quarts de finale, le gouvernement espagnol refuse à son équipe l’autorisation de se rendre en Union soviétique, ce qui permet à l’URSS d’accéder directement au tour final. La finale, disputée au Parc des Princes à Paris, le 10 juillet 1960, voit l’URSS battre la Yougoslavie 2-1 – grâce à une remarquable prestation de l’une des grandes vedettes de l’époque, le gardien Lev Yachine. "Il y a des matches et des buts qui sont vraiment particuliers, une sorte d’apogée de la carrière sportive d’un joueur", déclarait Viktor Ponedelnik, dont la reprise de la tête donne le titre à son équipe. "Ce fut le moment clé de mon existence."
La FIFA demande à l’UEFA de reprendre son tournoi international des juniors, lancé en 1948. L’UEFA apporte des changements substantiels à ce tournoi et organise avec succès des compétitions en Espagne (1957), au Luxembourg (1958) et en Bulgarie (1959). Comme c’est encore le cas, les tournois juniors se profilent dès le début comme une vitrine fascinante à travers laquelle de nombreuses vedettes du futur peuvent se mettre en évidence.
Hors du terrain, la famille Delaunay reste à la tête de l’UEFA. Après le décès d’Henri Delaunay, c’est son fils Pierre qui devient secrétaire général en juin 1956. À la fin de la décennie, l’UEFA déménage. Après avoir passé ses premières années dans des bureaux au siège de la Fédération française de football à Paris, l’UEFA s’installe dans la capitale helvétique, Berne, au début de l’année 1960, le Suisse Hans Bangerter étant nommé secrétaire général