Sarah Bouhaddi : "J'ai grandi"
dimanche 21 juillet 2013
Résumé de l'article
Dans une interview exclusive pour UEFA.com avec la gardienne française, Sarah Bouhaddi nous parle sans demi-mesure d'elle et de son poste.
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Sarah Bouhaddi, la gardienne de la France au Championnat d’Europe féminin de l’UEFA 2013 en Suède, évoque auprès d'UEFA.com sans demi-mesure son poste et son équipe.
Du haut de ses 69 sélections et de ses 26 ans, elle discute comme elle joue : sans frein à main et à 100 % concentrée. Bouhaddi nous a parlé de ses concurrentes au poste de n°1, notamment Céline Deville, son ex-coéquipière de l’Olympique Lyonnais qui jouera au FCF Juvisy la saison prochaine. Celle qui s’est blessée aux ligaments croisés la veille du quart de finale de l’EURO féminin 2009 contre les Pays-Bas explique aussi la psychologie du poste de gardienne et l’évolution de l’équipe depuis la Finlande.
UEFA.com : Quel rôle a une gardienne de buts et comment a-t-il évolué depuis que tu joues ?
Sarah Bouhaddi : C’est compliqué de décrire le rôle de gardienne. Le poste se développe de plus en plus. À l’époque, on demandait juste à la gardienne d’arrêter les ballons devant le but. Maintenant, on lui demande de commander sa défense, de s’occuper du but, de s’occuper de la surface de réparation, d’avoir un bon jeu au pied. Moi, ça me plaît et je trouve que c'est intéressant que ça évolue de plus en plus. On voit de plus en plus d’entraîneurs spécifiques dans les équipes. Ils prennent les gardiennes au moins 20, 25 minutes avant de commencer avec le groupe. Je pense que c’est important d’avoir cet entraîneur-là, Philippe Joly, avec nous, parce que c’est un rôle à part, c’est particulier. Je pense qu’il faut être suivi par quelqu’un qui connaît bien le poste.
UEFA.com : Le sélectionneur Bruno Bini a-t-il établi une hiérarchie claire entre les gardiennes ?
Sarah Bouhaddi : Il ne nous a pas pris toutes les trois (Sarah, Céline et Karima Benameur) pour nous dire qui était n°1, n°2... Mais on n’est pas bête : moi j’ai fait une saison entière, Céline a joué quelques matches à Lyon mais peut-être pas assez pour pouvoir postuler à un poste de n°1. Je pense que c’est quand même clair dans nos têtes. On a vu Céline jouer contre l’Angleterre, elle s’est très bien débrouillée. Si je ne suis pas performante, on a quand même de bonnes gardiennes derrière. Je connais mes qualités et je suis contente pour Céline parce qu’elle a eu une saison avec peu de matches. C'est l'une des fois où je la vois très sereine donc c'est bien pour l'équipe quand elle fait un bon match comme ça. Ça prouve aussi aux gens qu’on est tout un groupe de 23. Il n'y a pas de remplaçantes qui sont mises de côté.
UEFA.com : On voit l’écart se resserrer entre les équipes avec de moins en moins de score fleuve, qu’en penses-tu ?
Sarah Bouhaddi : On a vu les Suédoises gagner 5-0 (contre la Finlande) mais c’est le plus gros score de la compétition. Je pense que c'est un ensemble : les gardiennes évoluent mais les équipes évoluent aussi au niveau tactique. Je pense qu’aujourd’hui, on se développe beaucoup plus tactiquement, on défend de mieux en mieux. Il y a des lignes un peu plus marquées. Je pense que c’est un ensemble au niveau de l’équipe et du staff. On travaille plus défensivement, c’est pour ça qu’on voit moins d’erreurs et moins de buts.
UEFA.com : Quand l’action se passe de l’autre côté, que fais-tu et comment restes-tu concentrée ?
Sarah Bouhaddi : Je suis concentrée tout en regardant ce que font les copines. Je ne vais pas dire que je suis spectatrice mais je regarde attentivement et quand ça rentre, je suis la plus heureuse. Quand ça passe à côté, c’est vrai que c’est frustrant. Il ne faut pas se disperser quand même parce que ça revient vite derrière. Je parle beaucoup à ma défense même si le ballon est de l'autre côté. Quand il faut se replacer, je leur parle beaucoup pour rester dans le match en fait. Ça permet toujours d'être dans la concentration donc je pense que c’est important. C’est un travail que je fais depuis un moment. Il y a 10 ans, on disait que la concentration était mon point faible. Aujourd’hui je travaille dessus.
UEFA.com : Quel est ton état d’esprit quand tu prends un but ?
Sarah Bouhaddi : Un but ne me traumatise pas. On est à un poste où on est amenées à prendre des buts. On ne peut pas tout arrêter même si on fait le maximum pour. De là à prendre un psychologue ou un préparateur pour travailler là-dessus, non. Je ne vais pas faire d’état d’âme. C'est sûr que sur le moment, c'est toujours frustrant, surtout si c'est une erreur individuelle. Mais c'est là qu'on voit qu'on est fort quand on arrive à passer au-dessus et à réussir à se reconcentrer. Si je fais une erreur et qu'il y a but, il y aura deux minutes de flottement parce qu'on y pense forcément mais après, j'arrive quand même à me reprendre et à me reconcentrer sur le match. Je vais y penser un ou deux jours, mais à 24 heures du match (suivant), j’essaie d’oublier, de faire les choses que je sais faire à l’entraînement pour me reconcentrer. Je pense que là-dessus j’ai grandi. Avant, ça me touchait un peu plus. Quand j’ai commencé en équipe de France, j’avais 17 ans. Depuis, neuf ans ont passé, j’ai fait beaucoup de matches de haut niveau, j’ai pris beaucoup de buts, j’ai fait des erreurs. Je pense que chaque erreur permet de grandir et ça permet d’évoluer dans mon jeu en essayant de ne pas refaire ces erreurs et ça, c’est important.
UEFA.com : Est-ce que cela vous pousse d’avoir été éliminées en quarts de finale et d’avoir terminé au pied du podium à la Coupe du Monde de la FIFA et aux Jeux Olympiques ?
Sarah Bouhaddi : Autant à l’EURO (2009), on n’était pas très attendues, on construisait une équipe et c’était le début d’une aventure. À la Coupe du Monde, je n'y étais pas mais de ce que j'ai entendu et vu, ça a été un moment fort parce que personne ne les attendait et c'était une grosse surprise de voir la France faire une aussi belle compétition. Aux JO, on avait les qualités et il y a eu des erreurs individuelles qui font qu’on est sorties dans cette compétition. Je pense que ça a aussi aidé l’équipe. Aujourd’hui, on est beaucoup plus sûres de nous, on a plus d’expérience. Si on prend un but, on va réussir à relever la tête et à se reconcentrer sur l’objectif. Je pense que ces trois étapes-là nous ont permis de grandir.