Paris - Canal, quinze ans d'histoire
mercredi 12 avril 2006
Résumé de l'article
La vente du PSG, mardi 11 avril, tire un trait sur la période la plus faste du club parisien, celle où il était dirigé par la chaîne Canal Plus.
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La vente du Paris Saint-Germain FC, survenue mardi 11 avril, tire un trait sur la période la plus faste du seul club de haut niveau de la capitale française, qui naviguait sous le pavillon de la chaîne Canal Plus depuis 1991 et qui fut champion d'Europe en 1996.
Une chaîne qui change tout
C'est peu dire que Canal Plus, première chaîne payante apparue en France sur la pointe des pieds il y a 21 ans, a modifié la donne du paysage footballistique français. En retransmettant le premier match de Championnat, le 9 novembre 1984 (FC Nantes Atlantique - AS Monaco FC), ses dirigeants ignoraient sans doute qu'ils seraient à l'origine d'un succès qui dure encore.
Pimenter les débats
Pour la première fois, la plus grande compétition professionnelle française était mise en images. Le public suit. Les abonnements affluent. Tandis que l'Olympique de Marseille vient d'avoir définitivement gain de cause dans sa rivalité face au FC Girondins de Bordeaux, avec un doublé Coupe-Championnat en 1989, Canal cherche une idée pour pimenter les débats.
La raison deviendra passion
Dans le même temps, le PSG, champion de France 1985/86, géré par la municipalité, cherche un repreneur. Le mariage de raison a lieu fin mai 1991, quand Canal prend 40% de la nouvelle société anonyme de sport professionnel créée pour sa venue. L'union durera quinze ans. De bonheur principalement. La raison deviendra vite passion.
Confiance à Jorge
Afin d'avoir toujours un choc en stock pour ses abonnés, face à l'OM, Pierre Lescure, PDG de Canal Plus, et Michel Denisot, journaliste, animateur et président délégué du PSG recrutent Artur Jorge au poste d'entraîneur. Le raffiné Portugais a pour mission de monter une équipe capable de jouer l'Europe. Il a crédits quasiment illimités.
Soir de folie au Parc des Princes
Dès 1992/93, Paris version Canal signe ses premiers exploits européens en atteignant les demi-finales de la Coupe UEFA pour la première fois de son histoire (défaite 3-1 face à la Juventus). Au tour précédent, le Real Madrid CF est éliminé au Parc des Princes lors du match symbole de cette période de réussite. Battus 3-1 à Bernabéu, les coéquipiers de Paul Le Guen réalisent le match qui reste dans l'esprit de toute une génération de fans.
La tête de Kombouaré
Après 78 minutes, le score est de 1-0. C'est le moment que choisit David Ginola pour ficher une demi-volée du gauche dans le but espagnol. A la 89e minute Valdo offre la qualification aux Français sauf qu'Ivan Zamorano réduit le score (92e). Les 40 000 spectateurs électrisés pensent alors à la prolongation mais Antoine Kombouaré, sur un coup franc du Brésilien, plaçait le coup de tête du K.-O à la 96e minute.
"Paris est magique"
Désormais, pour au moins treize ans, l'OM aura du répondant. En France comme en Europe, car "Paris est magique !", comme le chantent les fans tandis que dans les bureaux de Canal, l'heure est à l'euphorie. D'autant que cette saison s'achève sur un succès en Coupe de France (3-0 contre le FC Nantes Atlantique en finale). Eu égard au déclassement en Championnat de Marseille après l'affaire OMVA, Paris aurait dû hériter du doublé après sa deuxième place à la régulière en D1. Les dirigeants du club refusent ce titre. "Nous ne l'avons pas conquis sur le terrain", lance Denisot.
Impressionnant en phase de groupes
La saison suivante, Paris remporte le Championnat et s'offre une nouvelle demi-finale européenne, en Coupe des vainqueurs de Coupe cette fois (défaite 2-1 contre l'Arsenal FC après avoir de nouveau éliminé le Real). Puis ce sont les débuts en UEFA Champions League. Paris remporte tous ses matches en phase de groupes, notamment face au FC Bayern München de Jean-Pierre Papin.
Milan trop fort
Tandis que Marseille se débat en D2 après sa relégation administrative, tout un pays ou presque soutient Rai, Ginola et surtout le buteur libérien George Weah qui deviendra le premier Ballon d'Or venu d'Afrique à l'issue de cette saison. Pour la troisième année consécutive, les espoirs rouge et bleu se brisent sur l'avant-dernière marche, face à l'AC Milan (tot. 3-1).
Jour de gloire à Bruxelles
Ces échecs répétés n'entament en rien la détermination et l'enthousiasme suscités par cette équipe au jeu solide. Un sacre européen devait venir, il viendra en Coupe des Coupes la saison suivante. Sous la conduite de Luis Fernandez, qui remplaçait Jorge, Paris devenait la deuxième équipe française à remporter une Coupe d'Europe. A Bruxelles, un coup franc de Bruno N'Gotty suffit pour abattre le FK Rapid Wien, le 8 mai 1996.
Défilé sur les Champs
L'alliance entre le PSG et Canal est alors à son apogée. Les Parisiens défilent sur les Champs-Elysées, 20 ans après l'AS Saint-Etienne et deux avant les Bleus de 1998. Ces moments des bonheurs sont à jamais gravés dans les millions de mémoires franciliennes. "Cette victoire est formidable. C'est celle de Luis Fernandez, des joueurs, des supporteurs et du club", triomphe Denisot.
Chou blanc
Lorsque le Berrichon qui anime toujours aujourd'hui le principal programme en clair de la chaîne passe la main à son compère des premiers directs Charles Biétry, en 1998, le succès se fait plus rare. La valse des joueurs et des entraîneurs en témoigne. Sous Ricardo, ancien défenseur passé sur le banc, Paris remporte les deux Coupes nationales en 1998. Puis Alain Giresse, Philippe Bergeroo et Luis Fernandez, qui rêvait d'un retour triomphal, font chou blanc jusqu'à l'ère Vahid Halilhodzic (vainqueur de la Coupe de France et vice champion de France 2003/04).
Une position intenable
Ce père la rigueur ne parvient pas à imposer durablement ses méthodes dans un club constamment épié par la presse. La succession des dirigeants - quatre présidents entre juin 2003 et juin 2006 - n'aide pas les joueurs à se stabiliser. Par ailleurs, Canal Plus a acquis seul les droits de diffusion de la Ligue 1 pour 600 M€ par saison. Pointé du doigt comme joueur et arbitre à la fois, le président de Canal Plus Bertrand Méheut évoquait devant le Ligue professionnel un besoin de "clarification" se la position de la chaîne qui ne sera plus, dorénavant, que diffuseur de la Ligue 1 et non acteur.
Cayzac, le président idoine
A la lumière de ces grands moments de football vécus au Parc des princes, le trio de nouveaux actionnaires a sagement décidé de laisser Alain Cayzac prendre la présidence. A 64 ans, ce publicitaire est imprégné de la culture du club qu'il a contribué à construire depuis 1985. Il est probablement le personnage le mieux à même d'écrire une suite aux quinze ans d'histoire qui se sont refermés mardi.