Les femmes dans le football : cinq figures de pionnières
mercredi 21 avril 2021
Résumé de l'article
L’UEFA poursuit sa campagne de sensibilisation du public qui met à l’honneur l’importante contribution des femmes au développement du football européen.
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Pour marquer l’édition 2021 de la Journée internationale des droits des femmes, l’UEFA a lancé une nouvelle campagne visant à faire connaître l’influence significative des femmes dans la communauté du football européen.
Chaque mois, l’UEFA met en lumière cinq femmes dont le travail contribue à façonner le présent et l’avenir du football, à tous les niveaux du jeu. Que ce soit sur le terrain, devant les caméras ou dans les hautes sphères, chacune des pionnières que nous vous présentons a une histoire inspirante à raconter, offrant un parfait exemple pour inciter davantage de femmes et de filles à laisser leur marque dans le jeu.
Pour ce deuxième volet, nous nous sommes entretenus avec :
• Tess Olofsson, arbitre professionnelle en Suède
• Maria Suchkova, responsable Football féminin au sein de l’Union russe de football (RFS)
• Reshmin Chowdhury, journaliste sportive en Angleterre
• Florence Hardouin, directrice générale de la Fédération Française de Football (FFF), membre du Comité exécutif de l’UEFA et présidente de la Commission de conseil en marketing de l’UEFA
• Lidia Alves Baria, manager Médias des Apollon Ladies à Chypre
Tess Olofsson : « C’est formidable de voir une voie d’évolution, et mon objectif maintenant est d’atteindre le plus haut niveau. »
Ancienne gardienne internationale junior de la Suède, elle devient arbitre à plein temps suite à une blessure. Jusque-là, elle avait combiné les deux postes depuis qu’elle avait pris le sifflet pour la première fois à l’âge de 13 ans. Aujourd’hui, elle est arbitre professionnelle dans la deuxième division suédoise de football masculin, a été nommée Arbitre de l’année en Suède et officie régulièrement lors de l’UEFA Women’s Champions League et de matches internationaux.
Vous avez eu la chance d’avoir des modèles à suivre tout au long de votre carrière…
En Suède, nous avons effectivement la chance d’avoir eu des joueuses de renom et des équipes féminines performantes, si bien que faire carrière semblait accessible. J’ai eu de nombreux modèles, et en particulier des gardiennes et gardiens lorsque j’étais joueuse. Il y avait Caroline Jönsson, la gardienne de l’équipe nationale suédoise, mais aussi Andreas Isaksson, de la sélection masculine, qui était une source d’inspiration, parce que je regardais beaucoup de matches quand j’étais jeune. En tant qu’arbitre, c’était motivant de voir Bibiana Steinhaus, la première arbitre femme en Bundesliga en 2017. Puis on a pu voir Stéphanie Frappart en Super Coupe de l’UEFA, une autre grande avancée pour le football féminin et les arbitres femmes. C’est formidable de voir une voie d’évolution, et mon objectif maintenant est d’atteindre le plus haut niveau du football masculin en Suède, d’arbitrer des matches internationaux masculins, et aussi de prendre part à l’EURO féminin de l’UEFA l’année prochaine, puis à la Coupe du monde féminine en 2023.
Avez-vous l’impression de devoir redoubler d’efforts pour faire vos preuves dans le football masculin ?
Lorsque je vais aux séances d’entraînement et que je m’entraîne avec les hommes, j’aimerais leur montrer que je suis aussi rapide qu’eux. Mais ce n’est pas possible dans mon cas, donc bien sûr qu’il me faut travailler dur à chaque entraînement pour être au bon niveau. Sur le terrain, il est essentiel de pouvoir lire le jeu, minuter ses sprints et bien se positionner, car si je démarre trop tard, je risque d’être trop loin au moment où je devrai prendre une décision.
Quand j’arbitre de nouvelles équipes, les joueurs essaient parfois de me tester lors des premiers matches, mais au bout d’un moment ils peuvent voir que je connais et comprends le football tout aussi bien. Je pense qu’ils sont surpris au début. Mais ensuite, ils m’acceptent et me respectent en tant qu’arbitre. Ils voient que c’est sans importance que je sois un homme ou une femme.
Que conseilleriez-vous à une personne qui souhaiterait suivre un parcours similaire en tant qu’arbitre ?
Il faut déployer beaucoup d’efforts, s’entraîner vraiment, vraiment dur et se dépasser. Quand je suis devenue arbitre de la FIFA, j’ai compris à quel point j’avais besoin de m’entraîner, mais aussi de rester en bonne santé pour éviter les blessures. J’espère que voir des gens comme moi réussir pourra inciter des jeunes, filles et garçons, à se lancer car c’est une expérience formidable d’être arbitre. J’ai la chance d’exercer professionnellement à plein temps et j’espère que davantage de femmes auront cette possibilité.
Maria Suchkova : « Les gens ne seront plus surpris d’entendre qu’une femme ou une fille pratique le football. »
Maria Suchkova est la responsable Football féminin au sein de l’Union russe de football (RFS) et dirige à ce titre la nouvelle stratégie de l’association visant à accroître le niveau du jeu, du football de base à l’équipe nationale. À la fois ancienne joueuse amatrice et spécialiste en droit international, elle est à la tête d’une équipe talentueuse et passionnée qui change les mentalités en Russie et à l’étranger.
Comment attirez-vous davantage de filles dans le football ?
L’un de nos axes principaux est d’intéresser les filles au football dès le plus jeune âge. Certaines deviendront des joueuses, d’autres non, mais elles garderont le contact avec le jeu, se rendront au stade et regarderont des matches à la télévision, et leurs parents feront de même. Avoir une fille qui pratique le football tôt change les mentalités des parents, et nous constatons aujourd’hui une évolution des stéréotypes. Nous venons de lancer le programme PlayMakers de l’UEFA en Russie : avant, on entendait beaucoup que le football n’est pas pour les filles, mais ce discours a disparu, et les gens veulent amener leurs filles à l’entraînement. C’est une évolution très importante, sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour aller plus loin.
Quels autres changements avez-vous pu constater jusqu’ici ? Que nous réserve l’avenir ?
Le football féminin a clairement gagné en visibilité, ne serait-ce que par rapport à l’année dernière. Il est présent dans l’actualité, davantage de clubs masculins d’élite s’intéressent à la création d’équipes féminines, il y a davantage d’abonnés sur les réseaux sociaux et de plus en plus de gens suivent les matches. À mesure que cette croissance se poursuivra, le succès commercial se développera et les sponsors seront plus nombreux ; les équipes féminines seront sponsorisées séparément des équipes masculines. En Russie, en termes de perception, les gens ne seront plus surpris d’entendre qu’une femme ou une fille pratique le football.
Quels enseignements le football féminin peut-il tirer du jeu masculin pour l’aider dans son développement ?
Commercialement et financièrement, le football féminin est loin du niveau du football masculin. Il existe des pratiques qui peuvent être adoptées, mais cet écart implique la possibilité d’essayer de nouvelles choses qui seraient impossibles dans le football masculin – c’est super d’avoir cet espace d’expérimentation. Les standards en matière de soins apportés aux joueuses sont aussi importants. Les joueuses ont des besoins spécifiques qui sont rarement reconnus. Elles ne sont pas aussi bien prises en charge que les joueurs d’élite, et un changement à ce niveau serait bénéfique.
Reshmin Chowdhury : « Il y a encore de la discrimination, mais les gens prennent conscience que les femmes sont là pour de bon. »
Bien qu’elle ait étudié la politique et l’économie à l’université, Reshmin Chowdhury a suivi sa passion et a fait carrière dans le journalisme sportif. Après avoir travaillé pour Real Madrid TV, elle est revenue en Angleterre, où elle présente l’actualité du football national masculin et féminin, anime une émission radiophonique populaire et couvre l’UEFA Champions League et l’UEFA Europa League depuis six ans. Elle co-présente en outre la cérémonie de remise des Distinctions de l’UEFA et le tirage au sort de la phase de groupe de l’UEFA Champions League depuis 2017 ; elle a également co-présenté l’édition 2020 de The Best FIFA Football Awards.
Vous avez surmonté de nombreux obstacles pour atteindre une position de premier plan dans un milieu exigeant…
Mon parcours est le fruit d’un travail acharné, j’ai dû prendre les choses en main pour m’ouvrir des portes. Lorsque j’ai débuté dans le milieu, je savais par expérience qu’il fallait soit connaître quelqu’un, soit être dans la situation privilégiée d’avoir grandi autour du sport : je n’avais ni l’un ni l’autre ! Aucun présentateur sportif ne me ressemblait ou ne venait du même milieu que moi. J’ai toujours su que j’étais suffisamment compétente, mais il m’est clairement arrivé d’être négligée, et j’ai le sentiment d’avoir eu à travailler davantage que beaucoup d’autres pour arriver où je suis. Cependant, ma famille m’a apporté un soutien incroyable, j’ai toujours cru en moi et j’étais animée par ma passion, et ces aspects sont vraiment essentiels pour quiconque souhaite réussir.
En tant que femme et mère de deux enfants, êtes-vous confrontée à des défis plus importants dans l’exercice de votre profession ?
Voyager dans toute l’Europe ou le monde entier peut être éprouvant pour tout le monde. Mais c’est honnêtement différent lorsqu’on est mère, c’est biologique. Les premières années ont été difficiles, mentalement et physiquement. La situation s’est améliorée récemment. Les chefs demandent maintenant comment on va et si l’on a besoin d’aide pour gérer son emploi du temps. Je suis aussi plus bienveillante envers moi-même et je fixe mes priorités différemment. Mais avant, l’environnement était tel qu’il était compliqué de parler de ses difficultés, parce qu’il était probable qu’on se fasse alors tout simplement remplacer, possiblement sans avoir de deuxième chance.
Comment voyez-vous l’avenir du football féminin et des femmes qui travaillent dans le football ?
Les gens prennent conscience que les femmes sont là pour de bon. Nous ne nous en irons pas. Je pense que les choses continueront à s’améliorer dans les années à venir. Maintenant, ce n’est pas un choc de voir une femme présenter une émission sur le football ou commenter en studio, ni de voir du football féminin à la télévision. Il y a encore de la discrimination, il y a encore du sexisme, il reste encore de nombreux obstacles à surmonter, mais les choses s’améliorent. Je suis présentatrice de football depuis plus de 13 ans, et j’ai vu beaucoup de changements. Toutefois, le fait que je sois mère, britannique d’origine asiatique et issue d’une famille musulmane me donne une perspective différente. C’est pourquoi, en plus de mes émissions, j’ai le sentiment d’avoir un rôle à jouer pour aider d’autres personnes à trouver des opportunités, que ce soutien soit d’ordre consultatif, administratif ou sous forme de mentorat, je ne sais pas encore avec certitude ! J’espère vraiment que davantage de filles et de femmes seront motivées à s’impliquer et réaliser leurs rêves. Le chemin est ardu, mais rien n’est impossible !
Florence Hardouin : « Personne ne vous donne le pouvoir, il faut le prendre. »
Ancienne championne du monde d’escrime, Florence Hardouin a débuté sa carrière professionnelle au ministère français de la Jeunesse et des sports, puis a travaillé pour différentes entreprises du secteur privé. Elle a rejoint en 2008 la Fédération Française de Football (FFF) en tant que responsable du développement marketing et commercial, avant de prendre le poste de directrice générale, qu’elle occupe encore actuellement. Elle est devenue en 2016 la première femme élue membre du Comité exécutif de l’UEFA et préside également la Commission de conseil en marketing de l’UEFA.
Votre parcours sportif a-t-il aidé à faire tomber les barrières dans les hautes sphères ?
Je le pense, car en tant qu’athlète, il vous faut faire preuve de beaucoup de détermination, ne jamais baisser les bras, et je crois qu’il en va de même dans la vie professionnelle. Avoir réussi comme sportif ou sportive vous donne aussi confiance en dehors du sport, et il y a des compétences transférables. Un autre atout est que l’on se fixe à soi-même des objectifs, on cherche constamment à relever le prochain défi, et cette attitude est vraiment importante lorsqu’on dirige une organisation. On ne peut pas rester statique.
Quel serait votre conseil aux femmes qui souhaitent poursuivre une carrière dans le sport ?
Personne ne vous donne le pouvoir, il faut le prendre. Je pense qu’il est très important que les femmes aient confiance en elles. Parfois, il est facile de douter de soi ou de manquer de confiance, mais l’important est de ne pas avoir de regrets, donc si vous convoitez un poste ou une promotion, il faut oser se lancer.
Quelle évolution aimeriez-vous voir ces prochaines années dans le rôle que les femmes jouent dans le football ?
J’aimerais voir davantage de femmes impliquées partout dans le football. Il est important de faire progresser ce chiffre. Il serait bon d’augmenter le nombre de femmes qui travaillent dans les associations nationales et au sein du Comité exécutif de l’UEFA. Je suis reconnaissante envers le président de l’UEFA, Aleksander Čeferin, d’avoir soutenu la présence d’une femme au sein du Comité exécutif – j’ai été la première femme élue. Peut-être était-ce un peu étrange au début, mais maintenant je pense que plus personne n’y prête attention et qu’il sera bénéfique d’avoir une meilleure représentation féminine, à tous les niveaux du football et pas seulement dans le jeu féminin.
Lidia Alves Baria : « Nous pouvons être des adversaires sur le terrain mais en dehors, nous travaillons ensemble pour faire progresser le jeu. »
Après son installation à Chypre en 2016, la Brésilienne Lidia Alves Baria a mis à profit son diplôme en communication sociale dans sa fonction de manager Médias du club Apollon Ladies, qui évolue en UEFA Women’s Champions League. Ce n’est pas tout : grâce à sa passion pour le football et à son solide esprit d’équipe, l’influence de Lidia Alves Baria s’étend bien au-delà de la tribune de presse.
Quand vous étiez jeune, aviez-vous envisagé la possibilité de faire carrière dans le football ?
Au Brésil, le football faisait partie de nos vies dès l’enfance. J’allais au stade pour voir les équipes masculines, mais je n’aurais jamais osé rêver de travailler, moi, dans le football. C’était juste un sport qu’on pratiquait pour le loisir le weekend et qu’on regardait en famille. Il n’y avait pas de modèle travaillant dans le sport. Même une joueuse ne pouvait pas gagner assez d’argent, il était donc inconcevable d’imaginer une femme dans un autre rôle, quel qu’il soit. Mais on peut voir comment le sport rassemble et améliore les relations. C’est pour cette raison que je voulais travailler dans le sport. Parce que c’est un formidable instrument de développement des individus. Nous avons besoin de professionnels compétents dans le football, hommes et femmes, et si l’expertise est déterminante, la présence de femmes est cruciale.
De par vos fonctions, vous êtes amenée à voir le côté humain des joueuses d’élite…
Il y a des histoires fascinantes à raconter au sein de l’équipe. Certaines joueuses jouent à l’étranger pour la première fois, sans parler la langue locale, donc elles ont besoin de quelqu’un pour les soutenir en dehors du terrain. Il est important de comprendre l’humain en plus du jeu, et j’adore cet aspect de mon métier. À cause de la crise du COVID-19, beaucoup de filles ne pouvaient plus voyager ou étaient coincées, alors ma maison est devenue un second foyer pour certaines d’entre elles pendant les congés, sinon elles auraient été toutes seules. Prendre soin des joueuses est vraiment important et c’est un aspect qui doit être davantage exploré dans le football féminin.
Quels aspects vous confortent dans l’idée que le football féminin peut continuer à progresser ?
Une chose que j’aime dans le football féminin, c’est ce lien que nous avons. Comme beaucoup de femmes que je rencontre dans le milieu sportif, je suis là par passion pour le football féminin et parce que je veux faire bouger les choses. Nous pouvons être des adversaires sur le terrain mais en dehors, nous travaillons ensemble pour faire progresser le jeu – c’est fantastique de voir autant de proximité et d’implication. Les joueuses méritent tellement de respect... Quand vous voyez tout ce qu’elles traversent rien que pour pouvoir pratiquer le sport qu’elles aiment, souvent sans les incitations financières ou les sponsors, c’est de la passion à l’état pur et un travail acharné. Nous ne connaissons pas encore le potentiel du football féminin, nous connaissons juste ce que nous avons réalisé sans investissements ni infrastructures.