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Deschamps revient sur l'EURO 2016 : "(Contre l'Allemagne) on était à la limite de craquer"

Le sélectionneur de l'équipe de France Didier Deschamps évoque en exclusivité les deux tours qui ont précédé la finale de l'EURO 2016.

Didier Deschamps serre les dents lors de France-Allemagne
Didier Deschamps serre les dents lors de France-Allemagne Getty

Si la France de 2016 n'a pu rééditer les victoires à domicile de 1984 et 1998, quand elle triomphait chez elle à l'EURO et en Coupe du Monde, son épopée inachevée a laissé de grands souvenirs à Didier Deschamps qui se penche sur deux matches à élimination directe qui ont donné à ses compatriotes de quoi rêver.

Le 3 juillet 2016, après avoir battu la République d'Irlande en 8es de finale, les Bleus balaient l'Islande au prix d'une première période de toute beauté (4-0 à la pause, 5-2 score final). Quatre jours plus tard, la "finale avant la lettre", selon le technicien de 51 ans, réunit à Marseille la France et l'Allemagne. Les Bleus, pourtant malmenés par la Mannschaft, vont s'ouvrir les portes de la finale (2-0, doublé d'Antoine Griezmann), vengeant au passage les affronts de 1982, 1986 et 2014 et remportant une première victoire en compétition sur l'Allemagne depuis 1958.

Tous les buts de l'EURO 2016

Avant de tomber de haut contre le Portugal à Saint-Denis, la France évolue sur un nuage devant un public conquis. Replongez dans l'ambiance de l'EURO 2016 avec Didier Deschamps.

UEFA.com : Que ressent-on quand on joue un EURO en France ?
Didier Deschamps : Ouais, c'est pas évident. Parce que jouer chez soi, normalement, c’est un avantage, parce qu’on a évidemment l’appui du public, il y a l’engouement populaire, mais pour les joueurs, c’est pas évident à gérer, il y en a qui ressentent plus ou moins cette pression. Quand on parle de pression, c’est forcément négatif, alors que moi, j’ai accentué mon discours par rapport au fait que c’était un plus pour nous de jouer chez nous.

Le public français au rendez-vous
Le public français au rendez-vousAFP via Getty Images

Mais malgré cela, surtout sur le match d’ouverture, qui est toujours un match particulier, j’avais des joueurs qui jouaient avec le frein à main, qui étaient un peu trop sensibles à l’atmosphère extérieure. On a eu du mal à se lâcher.

On attendait cet événement depuis deux ans et quand on y est, on est petit bras, comme on dit au tennis, mais c'est pas évident. Après, en se lançant dans la compétition, après le premier match, c’était déjà beaucoup mieux.

Évidemment, en pays organisateur, les yeux étaient fixés sur la France, concernant la capacité à bien savoir organiser l’événement, mais ça passe aussi par une équipe nationale qui soit performante. Et être performante, c’est arriver au moins dans le dernier carré pour que ce Championnat d’Europe puisse être réussi. On a fait mieux, mais malheureusement, on a raté la dernière marche, la plus importante.

France-Islande : les meilleurs moments

Vous êtes au Stade de France, largement favoris, face à la surprise du tournoi, l'Islande. Comment vous, coach, préparez-vous ce match ?
On a attendu longtemps, déjà, parce qu’on avait eu huit jours pour préparer ce match-là, je crois. Cela n’a pas été de trop parce que cette équipe islandaise était, c'est vrai, une surprise, mais ils le méritaient, avec un système bien défini, en 4-4-2, et avec une spécificité : ils ont été très dangereux sur les phases arrêtées et sur les touches notamment, avec pas mal de combinaisons.

On avait eu une semaine, et j’avais passé pas mal de temps – deux séances d’entraînement – à visionner, à mettre en place pour arriver à les contrer sur cet aspect-là. Oui, obligation de se qualifier, parce qu’on n’aurait pas compris que l'équipe de France se fasse éliminer au Stade de France face à l’Islande, on a fait ce qu’il fallait. Certainement aussi le fait, pour les Islandais, de ne pas être habitués – même s’ils étaient d’une nature assez décontractée – à jouer un quart de finale, face au pays hôte au Stade de France, ça pèse un petit peu.

Olivier Giroud lors de France - Islande
Olivier Giroud lors de France - IslandeAFP via Getty Images

Nous, on a été performants, mais peut-être que l'Islande a un peu pâti de cette sensibilité-là à l’environnement, à l’importance de ce rendez-vous.

Est-ce qu’on peut dire que les 45 premières minutes furent pratiquement parfaites
avec ce 4-0 ?

Parfaites, je sais pas, mais en tous les cas, c’est un très, très bon scénario, où on ne leur laisse pas le temps de respirer. On les a mis sous pression, on a été extrêmement efficaces, donc mener 4 à 0 même si après on s’est un peu relâchés et puis eux se sont lâchés un petit peu et ont été de l’avant, mais c’est difficile de rêver à un meilleur scénario sur les 45 premières minutes.

Mener 4-0 en 45 minutes dans un EURO, c’est une première, ça n’avait jamais été fait, donc c’est vraiment une mi-temps parfaite, non ?
Oui, oui, après, ça reste dans les statistiques, il y en a certainement qui feront mieux mais voilà, à un moment, les records et les statistiques sont faits pour être battus aussi, donc pour nous, c’était parfait ; être en quart et basculer dans le dernier carré, pour nous…

Comme je l’ai dit avant, on était dans une obligation de résultat. Même si on avait beaucoup de respect et que cette équipe d’Islande avait beaucoup de qualité – elle l’a fait voir avant – on se devait de se qualifier pour cette demi-finale.

Didier Deschamps lors de notre interview en période de confinement
Didier Deschamps lors de notre interview en période de confinement© UEFA.com

Sur la deuxième mi-temps, est-ce que c’est pas un mal pour un bien, finalement, d’encaisser ces deux buts islandais ?
Oh, c’est un autre match. Après, oui, je regrette toujours que la deuxième mi-temps ne se passe pas mieux, mais il ne faut pas enlever le mérite à l'adversaire aussi. Nous, on a très bien fait les 45 premières minutes, les Islandais ont forcément fait des erreurs.

On peut pas leur enlever le mérite qu’ils savaient que leur cause était quasi perdue à la mi-temps, donc ils ont joué certainement plus libérés. Et les buts, c’est pas nous qui les avons marqués, c’est eux. Certes, on aurait pu faire mieux, mais je peux pas empêcher – j’ai été joueur aussi – dans la tête des joueurs, à 4-0, de penser un petit peu à moins jouer, Il y avait encore de la marge. Évidemment, c’est toujours regrettable de prendre ces deux buts, mais ça met en valeur aussi cette équipe islandaise et puis cet environnement, avec le "clap", les supporters islandais très présents numériquement, on les entendait aussi, donc c’est la fête du football. Et je crois que pour eux, évidemment, ils auraient préféré nous battre et se qualifier, mais ça reste un grand moment pour ce petit pays, pas en termes de qualité, mais tout au moins en termes de joueurs, d’adhérents, de licenciés, arriver en quart de finale d’un EURO, être éliminé par le pays hôte, il y a rien d’offensant.

Antoine Griezmann et Didier Deschamps fêtent la victoire sur l'Islande par une météo très nordique pour un mois de juillet
Antoine Griezmann et Didier Deschamps fêtent la victoire sur l'Islande par une météo très nordique pour un mois de juilletAFP via Getty Images

Il y a eu aussi ce temps apocalyptique... On vous voit avec la doudoune, pour un 3 juillet...
Un temps islandais, oui. Beaucoup de flotte. En plus, au départ, c’est plutôt un avantage pour eux, parce qu’ils sont plus habitués à ces conditions-là, ça favorise évidemment aussi tout ce qui est phases arrêtées, avec des ballons qui fusent.

Mais moi, je reste marqué, comme je l’ai dit avant, par cette spécificité où ils ont été très efficaces sur ces phases arrêtées : des touches longues avec 3-4 combinaisons, qui sont très, très bien faites, et ça n'a pas été simple. Donc évidemment avec un temps comme ça, ça aurait pu les favoriser. Heureusement, ça a pas été le cas, du moins en première mi-temps, donc, voilà, c’était une étape importante, certainement un tournant pour nous, sur cette compétition, de pouvoir accéder à la demi-finale.

Qui est Didier Deschamps

AFP via Getty Images

Date de naissance : 15 octobre 1968
Nationalité : française
Carrière de joueur : Nantes, Marseille (deux fois), Bordeaux, Juventus, Chelsea, Valence
Carrière d'entraîneur : Monaco, Juventus, Olympique de Marseille, France

• Formé à la très réputée école nantaise, Deschamps connaît le succès avec Marseille en tant que milieu de terrain défensif. Il remporte notamment le championnat en 1990 et 1992, ainsi que l'UEFA Champions League en 1993 alors qu'il est capitaine. Il rejoint la Juve en 1994 et gagne l'UEFA Champions League en 1996, trois titres de Serie A, une Coppa Italia et une Coupe européenne/sud-américaine.

• Il quitte les Italiens en 1999 pour Chelsea où il reste une saison et remporte la FA Cup. Il termine sa carrière en passant une année à Valence. Il est sur le banc lorsque l'équipe s'incline en finale de l'UEFA Champions League 2001 face au Bayern Munich. Il est capitaine de l'équipe de France qui remporte la Coupe du Monde de la FIFA 1998 à domicile et l'UEFA EURO 2000. Il prend sa retraite cette année-là avec 103 capes.

• Il débute sa carrière d'entraîneur en 2001 à Monaco avec lequel il gagne la Coupe de la Ligue en 2003. L'année suivante, il atteint la finale de l'UEFA Champions League mais s'incline face au FC Porto de José Mourinho. Il démissionne en septembre 2005 pour rejoindre, en juin suivant, son ancien club de la Juventus, alors en Serie B. Il quitte le club après l'avoir aidé à retrouver la Serie A en mai 2007.

• Il est nommé entraîneur de Marseille en mai 2009 en remplacement d'Eric Gerets. Sa première saison de toute beauté se conclut par un premier titre en Ligue 1 depuis 18 ans et une première Coupe de la Ligue pour l'OM, trophée qu'il conserve l'année suivante.

• Il prend la suite de Laurent Blanc à la tête de l'équipe de France après l'UEFA EURO 2012 et mène la France en phase finale du Mondial 2014 en passant par les barrages. Il emmène les Bleus en quart de finale au Brésil, où l'équipe s'incline face aux Allemands, futurs vainqueurs du tournoi, puis en finale de l'UEFA EURO 2016 où les hôtes tombent en prolongation face au Portugal. Et enfin jusqu'au bout, lors de la Coupe du Monde en Russie en 2018, devenant le troisième à brandir ce trophée comme joueur et entraîneur.

Demi-finale, justement, vous voyagez jusqu’à Marseille, pour une demi-finale au Vélodrome, comme en 84...
Oui, oui, on est content d’aller jouer à Marseille. Sincèrement, pour en avoir parlé avec les joueurs et mon staff depuis, je suis convaincu que si on le joue pas à Marseille, face à cette grande équipe allemande, je suis pas sûr qu’on se serait qualifié.

C’était un peu une finale avant l’heure et l'effervescence dans ce stade… autant quand l'équipe de France va jouer un match amical à Marseille, c'est pas toujours évident parce qu’il y a la guéguerre entre Parisiens, Lyonnais. Là, bon, le stade est plein comme ça, l’ambiance était fabuleuse.

Allemagne - France, les temps forts de la victoire française

On a été malmené, on a été soumis à une pression des Allemands, qui nous ont extrêmement dominés. Sur la première mi-temps, on était à la limite de craquer. On n’a pas craqué, on a le bonheur de rentrer à la mi-temps en menant au score. Mais cet environnement-là a été très important pour les joueurs. Le conditionnement psychologique avec ce support, on parle toujours – c’est un peu une étiquette – de treizième homme à travers les matches, mais là, à Marseille, le public a vraiment été fabuleux pour nous.

France - Allemagne 2016, revoir le match en intégralité

D’habitude, le réalisme est plutôt allemand...
On a inversé la tendance, c’est eux qui nous avait éliminés quand ils ont été champions du monde en 2014 au Brésil, pareil, sur un but… j’ai plus le nom du défenseur de Dortmund… (Mats) Hummels, je crois. Et oui, c’était la grande équipe d’Allemagne, le grand favori qui avait l’habitude… On plaisante, on plaisantait, en France en disant : "oui, de toute façon, les France-Allemagne, à la fin, c’est toujours l'Allemagne qui gagne". On avait un historique jusque-là qui nous était plutôt défavorable.

Depuis, on a réussi à inverser la tendance, de pouvoir, même en étant très dominés, en ayant souffert, de rentrer à la mi-temps avec ce penalty d’Antoine Griezmann et de mener 1-0… on était bien payé, comme on dit, on s’en sortait bien.

La deuxième mi-temps par contre, on l’a mieux maîtrisée, même si on a encore souffert, mais beaucoup moins qu’en première mi-temps.

Manuel Neuer félicite Hugo Lloris à Marseille après la demi-finale de l'EURO
Manuel Neuer félicite Hugo Lloris à Marseille après la demi-finale de l'EUROGetty Images

C'est aussi le match entre les deux meilleurs gardiens du moment (Hugo Lloris et Manuel Neuer) et Hugo Lloris fait un match absolument fantastique, il fait des parades de folie, en deuxième période notamment...
Il fait que son boulot, entre nous… non, je rigole, non, Hugo, oui, oui, voilà… les grands gardiens, on en a besoin dans les grands matchs. Là, il a été décisif pour nous, évidemment c’est pas lui qui peut nous faire gagner le match, mais il a retardé l’échéance et on n’a pas pris de but, ce qui nous a permis de gagner en sérénité. Et, évidemment, en tant que capitaine, dans l’équipe aussi, c’est un cadre, donc voilà, il a transmis, de par sa performance individuelle et ses arrêts au cours du match, énormément de confiance à l’ensemble de ses joueurs.

France - Allemagne : le but de Griezmann

Et la preuve, c’est qu’à la 72e, Antoine arrive à mettre un deuxième but, son sixième dans l’EURO, en plus. Là, il commence à prendre une dimension, c’est vrai que cet EURO le révèle complètement, non ?
C’était mal parti, sincèrement, parce qu’il est arrivé, il avait perdu une finale de Champions League. Il est arrivé très fatigué, usé. Je me rappelle qu’au premier match, ça avait pas trop été. Au deuxième, j’avais décidé de le mettre sur le banc, et il était rentré pour être décisif.

Ça a été son EURO, dans un registre où il est très performant, dans l’axe, en tant que deuxième attaquant, et c’est vrai que lui – il y en avait d’autres, il y avait Dimitri Payet aussi en début de compétition – mais lui a été extrêmement décisif, et c’était le leader technique de cette équipe.

Il a pris, évidemment, à travers une grande compétition, que ce soit un EURO ou une Coupe du monde, déjà qu’il avait le niveau international, bien évidemment, il a pris une dimension internationale encore plus importante.

La joie du staff des Bleus après la victoire sur l'Allemagne
La joie du staff des Bleus après la victoire sur l'AllemagneAFP via Getty Images

Est-ce l'un de vos plus beaux souvenirs ?
Oui, ça fait partie des très, très bons souvenirs et puis après, de pouvoir communier avec le public. Je me rappelle être resté avec des joueurs face aux supporters donc oui, c’est de grands moments, on savoure, il faut prendre le temps de savourer, même si la finale, elle est venue très, très vite derrière, un peu trop vite à mon goût.

Mais, oui, c’est des grands moments, parce que l'Allemagne était le grand favori, championne du monde en titre, parce qu’on avait conscience aussi d’avoir énormément souffert, mais malgré tout, d’avoir cette qualité qu’on attribuait jusque-là à cette équipe d’Allemagne, pourquoi on ne pourrait pas nous l’attribuer à nous aussi, sur le fait d’être extrêmement efficace ?

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