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Le ballon dans tous ses états

Sur l'UEFA

Du cuir au synthétique, le ballon de football a connu à la fin des années 70 une transformation remarquable. Ceux qui l’ont vécue se souviennent de cette révolution.

Le ballon dans tous ses états
Le ballon dans tous ses états ©Getty Images

Il s’est produit sur les plus grandes scènes du football, disputant des finales de la Coupe des clubs champions pour Juventus ainsi que la Coupe du monde pour la Pologne. Aujourd’hui, il est président de la Fédération polonaise de football. Pourtant, dans la tête de Zbigniew Boniek, il y a un coin réservé à un souvenir d’enfance particulier – la joie toute simple d’avoir un ballon aux pieds.

« Quand j’étais petit, le ballon était une sorte de trésor, dit-il. Le garçon qui en possédait un était le roi du terrain de jeu. » Et, comme il s’agit de la Pologne dans les années 1960, ce ballon était en cuir, il durcissait avec le froid et grossissait quand il pleuvait. « Quand il était mouillé, nous le sentions vraiment, se souvient Boniek. Ce n’était pas très agréable d’être debout dans le mur sur un coup franc et d’être frappé par le ballon. Il en était de même lors des reprises de la tête. »

Chris Waddle se souvient également du ballon en cuir. L’ancien ailier de l’équipe nationale d’Angleterre se rappelle très bien la première fois que son père l’emmena dans un magasin de sport à Newcastle, un samedi matin du milieu des années 1960. « Je suis entré et il a acheté ce ballon en cuir qui était joli, dit-il. Je me souviens même de l’odeur. Nous avons pris le bus pour retourner à la maison et quinze minutes plus tard, j’étais sur le terrain avec ce ballon. Tout à coup, je me suis retrouvé avec 30 copains parce que j’avais le meilleur ballon de la rue. J’ai tapé dans ce ballon durant un peu plus d’une année. »

Les propos de Waddle évoquent une période différente – et pas seulement pour ces matches de football de rue. Ce vieux ballon en cuir à lacets dans lequel il tapait dans son quartier ressemblerait à une pièce de musée pour un enfant d’aujourd’hui. Tout comme le ballon du terrain de jeu de l’enfance de Boniek. De nos jours, les ballons appartiennent à un autre monde. Quand adidas a lancé le Beau Jeu, le ballon officiel de l’EURO 2016, après une période d’essai de 18 mois, il comprenait six panneaux identiques, soudés à chaud pour offrir une surface exempte de joints et la promesse d’une trajectoire fiable, d’un meilleur toucher et d’une faible absorption de l’eau.

Les transformations intervenues dans la technique de fabrication du ballon depuis qu’adidas a produit le premier ballon du tournoi, le Telstar, en 1968, ont été remarquables, et il en a été de même de son impact sur le jeu lui-même. Du Telstar et du Tango au Starball de la Ligue des champions, en passant par les premières réalisations entièrement exemptes de cuir au milieu des années 80, les ballons sont devenus plus légers et plus rapides. Tant pis pour la vieille vessie de porc – comme le grand milieu de terrain néerlandais Ruud Gullit le fait remarquer, les choses ont changé radicalement depuis la période où il était joueur. « Le ballon était bien plus dur, il était aussi beaucoup plus lourd et, à mon époque, on devait utiliser davantage de puissance, affirme Gullit. Les gardiens pouvaient difficilement expédier le ballon jusqu’au milieu du terrain. De nos jours, on peut frapper le ballon avec moins d’efforts et il tourbillonne beaucoup. »

Mais cela ne veut pas dire que les joueurs ne pouvaient rien faire avec les anciens ballons, ajoute Gullit qui se souvient de tout ce que, « à l’époque où je jouais en Italie, Oleksiy Mykhaylychenko pouvait faire avec le ballon quand il jouait pour Sampdoria. Il pouvait faire la même chose qu’aujourd’hui avec le vieux ballon. C’est une question de technique. Mais on peut maintenant le faire avec moins d’efforts. Pour obtenir une telle vitesse, on n’a pas besoin d’être puissant. »

Un voyage à travers les décennies

À l’origine, un ballon de football était une vessie de porc ou de vache enfermée dans un revêtement de cuir fait de panneaux réunis entre eux par des lacets. Jusqu’en 1951, les ballons étaient généralement bruns; cette année-là, des ballons blancs ont été introduits pour les matches disputés en nocturne et des ballons orange pour les matches disputés sur la neige. En octobre de la même année, un ballon de football sans lacets fut utilisé pour un match entre le Danemark et la Suède à Copenhague.

Adidas commença sa production de ballons de football en 1963 et le Telstar – un ballon de 32 panneaux fait de 12 pentagones noirs et de 20 hexagones blancs, et dont le nom s’est inspiré d’un satellite de communications – fit son apparition à la fin des années 1960. Il fut utilisé lors du Championnat d’Europe de 1968 avant de devenir le premier ballon adidas de la Coupe du monde deux ans plus tard au Mexique, en 1970.

Le modèle pour la Coupe du monde de 1974 en RFA comprenait l’introduction d’un revêtement Durlast (polyuréthane) qui assurait son imperméabilité et aidait à maintenir sa forme tout en assurant une résistance contre l’abrasion. Contrairement au cuir, le polyuréthane est flexible et ne se raidit pas quand il fait froid. L’EURO de 1984 en France a été le premier tournoi important avec un ballon entièrement exempt de cuir, et deux ans plus tard, le premier ballon synthétique de la Coupe du monde – l’Azteca Mexico – fut utilisé lors du tour final au Mexique.

Günter Pfau travaillait pour adidas à cette époque et il se souvient : « En 1984, adidas hésitait à dire aux gens qu’il s’agissait d’un ballon exempt de cuir mais quand la Coupe du monde s’est disputée au Mexique dans des conditions de forte humidité, avec des terrains lourds et en altitude, c’était le moment idéal pour introduire un ballon sans cuir afin d’en montrer les avantages. » Le prochain changement important survint en 2004 : ce fut l’introduction du premier ballon sans coutures, le Roteiro, pour le tour final de l’EURO 2004 au Portugal.

C’était un ballon dont la carcasse, la vessie et les panneaux étaient réunis par soudage thermique. Près de 4 millions d’exemplaires ont été vendus, des mini-formats au ballon officiel. « Les panneaux n’ont plus été cousus à la main, affirme Pfau. Cela signifie que le ballon avait une résistance à l’eau bien meilleure. Dans les années 1960 et 1970, par exemple, le ballon gagnait 20 % en poids en cas de conditions humides. De nos jours presque plus du tout. » Ou, pour être précis, 0,2 %. À la recherche de l’uniformité.

C’est seulement à partir du 1er janvier 1996 que l’UEFA mit en œuvre des contrôles de qualité approuvés par la FIFA pour les ballons utilisés dans les compétitions internationales. Les ballons ont ensuite été répartis en trois groupes de qualité : « FIFA approved », « FIFA inspected » et « International Matchball Standard ». Tous les ballons devaient subir six contrôles de qualité – sept dans le cas des ballons du plus haut niveau.

Durant la même décennie, la Premier League en Angleterre a introduit un ballon de match officiel. Bientôt d’autres compétitions interclubs en firent de même. Le ballon Starball de la Ligue des champions fit sa première apparition en 2001 – comme son nom l’indique, il était orné de huit étoiles – et, depuis 2006-07, il a y eu un ballon de match officiel adidas à chaque match de la Ligue des champions.

Par le passé, il était courant pour les équipes de passer les jours précédant un match à s’entraîner avec le ballon utilisé par le club auquel ils allaient rendre visite pour un match donné. Ruud Gullit, qui se souvient de l’Eredivisie dans les années 1980, affirme : « On s’entraînait avec un ballon durant toute la semaine. Certains avaient des adidas, d’autres des Derbystars. Chaque club avait son propre ballon. »

Il en était de même sur la scène internationale. Il y a un ballon officiel pour le tour européen de qualification de la Coupe du monde 2018 – produisant une explosion de couleurs rouge et noir qui fait référence à la montée d’adrénaline ressentie par les supporters à l’approche d’un match –, pourtant, Packie Bonner, l’ancien gardien de la République d’Irlande, se souvient d’une réalité très différente à l’époque où il entraînait les gardiens de son pays. « En tant qu’entraîneur, on devait trouver le ballon avec lequel un pays jouait.

Si on se déplaçait en Europe de l’Est à une époque où on ne regardait pas très souvent leurs matches, on désespérait de trouver le type de ballon qu’ils utilisaient, tant et si bien qu’il fallait en choisir un pour s’entraîner avant de partir. Nous nous entraînions à Dublin puis nous nous déplacions quelque part où nous avions un ballon complètement différent. »

L’impact sur les gardiens

Zbigniew Boniek comme Ruud Gullit insinuent que les ballons de football modernes ne sont pas les amis du gardien. Pascal Olmeta, qui joua dans les buts d’Olympique de Marseille et d’Olympique Lyonnais dans les années 1990, abonde dans le même sens : « On entend souvent que c’est la faute du gardien mais les connaisseurs savent que c’est parce que les ballons prennent des trajectoires qui sont impossibles à lire. »

Olmeta prétend même que les gardiens devraient suivre l’exemple de son ancien entraîneur, Jean Castaneda, qui le faisait s’entraîner avec des ballons de rugby pour l’aider à s’habituer à réagir à des ballons dont la trajectoire était moins prévisible. « Cela vous aide à travailler vos réflexes. » Packie Bonner, aujourd’hui instructeur de l’UEFA, a sa propre idée sur la manière dont le rôle du gardien a changé face à l’évolution du ballon. Alors qu’il était jeune joueur, par exemple, il se souvient qu’on lui a enseigné de toujours saisir le ballon. « Si un gardien ne saisissait pas le ballon sur un tir de 20 à 25 mètres, on considérait qu’il était mauvais. »

De nos jours, les gardiens reçoivent un message différent : « Ils n’ont pas cette possibilité de le saisir, poursuit l’Irlandais, donc on les entraîne à renvoyer le ballon dans une zone de sécurité éloignée de la cage. S’ils cherchent à s’en saisir, il peut aller à deux ou trois mètres. Le ballon n’est pas aussi facile à attraper, car il est plus léger et se déplace avec rapidité. » Bonner se souvient d’avoir vu la passe décisive de Manuel Neuer lors du match Allemagne-Angleterre des huitièmes de finale de la Coupe du monde 2010, quand le ballon atterrit à 30 mètres de la cage défendue par David James, permettant ainsi à Miroslav Klose de marquer. « C’était incroyable de penser que le gardien pouvait maintenant expédier le ballon à une telle distance sur le terrain et de voir que le ballon avait parcouru tout ce chemin. »

Si le Jabulani a aidé Neuer en cette circonstance, sa trajectoire aérienne questionne les gardiens, qui doivent faire face à un problème supplémentaire quand ils doivent affronter des tirs à distance. « Le plus grand problème pour le gardien est que s’il se déplace trop rapidement et que le ballon se dirige dans la mauvaise direction, il perd son équilibre, affirme Bonner. Aussi, plutôt que de bouger et de tenter de lire la trajectoire quand le ballon est frappé, il attend presque une seconde et demie de plus. Ce n’est pas facile. »

Un Tango pour deux

Si le ballon moderne pose des exigences différentes à un gardien, qu’en est-il des attaquants ? Chris Waddle, qui joue encore au football avec les amateurs à Sheffield, compare le jeu avec les ballons d’aujourd’hui avec le jeu en altitude lors de la Coupe du monde 1986 au Mexique. Il souligne le soin qu’il est nécessaire d’apporter lors des coups de coin, quand un tir en pleine puissance peut expédier un ballon qui file trop loin.

« Combien de corners voyons-nous soit trop courts au premier poteau parce qu’ils retombent, soit sortir de l’autre côté parce qu’ils sont complètement manqués ? », se demande-t-il. Waddle n’hésite pas à mentionner son ballon favori : le Tango d’adidas qui fut introduit pour la première fois à la Coupe du monde 1978 et qui avait 20 panneaux avec des « triades » créant l’impression qu’il était formé de douze cercles identiques. Le Tango Espana de 1982 fut le dernier ballon en cuir de la Coupe du monde et Waddle joua avec le Tango aussi bien dans la première division anglaise que durant la période qu’il passa en France avec Marseille.

« Le Tango est le ballon le plus dynamique avec lequel j’aie joué, se souvient-il. Je l’appréciais, il était vraiment vif, on pouvait le piquer et faire beaucoup de choses avec lui. La majorité de ces ballons étaient assez épais et on devait mettre beaucoup de force sur eux; de nos jours, on ne doit pas mettre autant de vitesse sur eux parce que les ballons se déplacent facilement. »

Zbigniew Boniek abonde dans le même sens : pour un joueur des années 1980, il n’y avait pas de ballon aussi bon que le Tango. « Je l’ai vraiment apprécié. C’était ma première Coupe du monde en 1978 et ce ballon était tout simplement parfait. Si je pouvais transférer quelque chose du football d’aujourd’hui dans l’époque où je jouais, ce serait ]la qualité du spectacle – les stades et la couverture TV. Le football est vendu bien mieux qu’auparavant. Mais je ne prendrais pas les ballons avec moi. Je souhaiterais jouer avec le Tango pour toujours. »

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